A L'art est inutile L'Ćuvre d'art est un objet sensible, c'est-Ă -dire qu'il s'adresse Ă mes sens, mais contrairement aux autres objets, je ne l'utilise pas. C'est pour cela que Kant explique dans la Critique de la facultĂ© de juger que le plaisir esthĂ©tique qui vient de la contemplation d'une Ćuvre d'art est un plaisir dĂ©sintĂ©ressĂ© ce n'est pas la consommation ou l'utilisation de l'Ćuvre d'art qui me procure du plaisir dans l'expĂ©rience esthĂ©tique. L'art se dĂ©finit donc par sa fin, qui est non utilitaire. En fait, la plupart des Ćuvres d'art avaient une utilitĂ© au moment de leur crĂ©ation, mais c'est une fois que cette utilitĂ© s'est estompĂ©e qu'on peut vĂ©ritablement dire que l'Ćuvre est une Ćuvre d'art. Exemple Le Tympan du Jugement Dernier de l'abbatiale de Conques avait pour but de susciter chez l'observateur la peur du Jugement et de l'Enfer, afin qu'il conforme sa vie aux prĂ©ceptes de l'Ăglise. Cela signifie donc qu'en droit, tout peut ĂȘtre une Ćuvre d'art. Ce qui dĂ©finit une Ćuvre d'art, c'est d'abord le rapport respectueux, mis Ă distance, dĂ©sintĂ©ressĂ© que j'entretiens avec elle. C'est d'ailleurs ce que veut signifier Marcel Duchamp 1887-1968 quand il cherche Ă exposer en 1917 Ă New York son Ćuvre Fontaine, qui n'est autre qu'un urinoir renversĂ©, c'est-Ă -dire l'objet le plus banal et trivial qui soit. Marcel Duchamp, Fontaine, 1917 B Juger le beau Si, en droit, tout peut ĂȘtre une Ćuvre d'art, qui dĂ©cide alors qu'une Ćuvre est une Ćuvre d'art ? Quand j'estime que quelque chose est beau, quand je juge de la beautĂ© d'une Ćuvre, tout le monde doit-il ĂȘtre d'accord avec moi ? Kant, dans la Critique de la facultĂ© de juger, explique qu'il faut distinguer le beau par exemple, La Joconde est belle », de l'agrĂ©able par exemple, ce vin est trĂšs bon ». Ces deux phrases constituent un jugement, qui consiste Ă qualifier un sujet La Joconde » ou ce vin » au moyen d'un prĂ©dicat belle » ou trĂšs bon ». De plus, ces jugements sont tous les deux subjectifs mĂȘme dans le cas de La Joconde, la beautĂ© n'est pas une propriĂ©tĂ© de l'objet que je juge beau si je dissĂšque ce tableau, je ne trouverai jamais une propriĂ©tĂ© chimique qui serait la beautĂ©, ce n'est donc pas un jugement objectif. NĂ©anmoins, si nous acceptons trĂšs bien que le jugement du caractĂšre agrĂ©able d'un objet soit particulier les goĂ»ts et les couleurs ne se discutent pas », pour le beau, nous jugeons comme si tout le monde devait ĂȘtre d'accord avec nous. Le jugement esthĂ©tique est donc un jugement subjectif universel, dans le sens oĂč il est universalisable je sais que mon jugement ne va pas ĂȘtre partagĂ© par tous, mais je juge comme si c'Ă©tait le cas. Remarques Une mĂȘme Ćuvre peut faire l'objet d'un jugement esthĂ©tique sur le beau ou d'un jugement sur son caractĂšre agrĂ©able. Ainsi, si on utilise Le Printemps d'Antonio Vivaldi comme musique d'attente, on le fait pour son caractĂšre agrĂ©able, alors que si on l'Ă©coute pour lui-mĂȘme, celui-ci fait l'objet d'un jugement esthĂ©tique. De plus, une Ćuvre belle peut ĂȘtre en mĂȘme temps assez dĂ©sagrĂ©able, comme le poĂšme Une Charogne » de Charles Baudelaire 1821-1867 qui convoque des images de putrĂ©faction et de corps mort. RepĂres Objectif/subjectif Est objectif ce qui se rapporte Ă l'objet de la connaissance. Un jugement objectif ne dĂ©pend pas du sujet qui l'Ă©nonce et est donc nĂ©cessairement universel. Est subjectif ce qui se rapporte au sujet de la connaissance. Un jugement subjectif devrait donc toujours dĂ©pendre du sujet qui l'Ă©nonce et ĂȘtre particulier, mais le jugement esthĂ©tique chez Kant est Ă la fois subjectif et universel. Universel/particulier Est universel ce qui vaut en tout temps et en tout lieu, c'est-Ă -dire ce qui ne souffre aucune exception. Est particulier ce qui appartient en propre Ă un individu ou Ă un groupe restreint d'individus.
NotreatmosphÚre est composée à 78 % de diazote (N2), 21 % de dioxygÚne (O2), et les 1 % restants sont partagés par quelques autres gaz (argon, CO2, CH4 ). Mais le diazote est-il utile ?
1Dans les rĂ©ussites de lâart il y a quelque chose qui surpasse Ă la fois la volontĂ© de lâartiste, si attentive et si lucide quâelle soit, et la sensibilitĂ© du spectateur, quelles que soient sa dĂ©licatesse et ses exigences. Aussi, ce serait une entreprise stĂ©rile que de chercher Ă dĂ©finir dâabord certaines puissances de lâesprit et de montrer ensuite comment nous parvenons, en les mettant en Ćuvre, Ă obtenir les satisfactions que nous en attendons. Câest la dĂ©marche inverse que nous devons suivre. La crĂ©ation artistique obĂ©it Ă un obscur dĂ©sir elle est une aspiration vers ce qui nous manque, un vide intĂ©rieur que nous cherchons Ă remplir. Mais, quels que soient nos efforts, nous ne rĂ©ussissons pas dâavance Ă le circonscrire. Le circonscrire, câest faire Ă©merger la forme qui, aussitĂŽt, lui donne un contenu. Câest rĂ©aliser lâĆuvre dâart. Elle seule est capable de nous rĂ©vĂ©ler le dĂ©sir qui Ă©tait en nous en lâapaisant. Il nâen est point autrement de la vĂ©ritĂ© que cherche le savant nous ne savons ce quâelle est que quand elle se montre et ce qui pouvait satisfaire notre pensĂ©e que quand nous lâavons trouvĂ©. Ainsi nous ne chercherons quelle est lâorigine de lâart ni dans lâhistoire de lâhumanitĂ©, ni dans le vouloir de lâartiste ; nous ne chercherons pas non plus quelle est la fonction particuliĂšre de la conscience dont lâart est, pour ainsi dire, lâexercice, ni quelle est son essence secrĂšte que lâon devrait pouvoir retrouver pourtant jusque dans sa manifestation la plus humble. Nous ne poserons point Ă propos de lâart la question de droit. Lâart est un grand fait humain. Or, si sa naissance, comme toutes les naissances, plonge dans les tĂ©nĂšbres, dĂšs quâil se montre Ă la lumiĂšre, il nous apporte une rĂ©vĂ©lation. Et de cette rĂ©vĂ©lation, nous nâaurons jamais achevĂ© de prendre possession. Lâartiste utilise des procĂ©dĂ©s, invente des techniques par lesquelles il tente de capter lâĂ©motion dans une forme matĂ©rielle, de maniĂšre Ă en disposer et Ă la faire surgir Ă son grĂ©. Mais quelle que soit lâacuitĂ© avec laquelle une mĂ©thode nous permet dâentrer en contact avec le rĂ©el et de le saisir, il y a ici un intervalle infini entre la rĂšgle appliquĂ©e et lâeffet obtenu câest dans cet intervalle mĂȘme que lâart vient Ă Ă©closion. On le voit bien si on compare lâart Ă la science qui cherche prĂ©cisĂ©ment Ă abolir cet intervalle, Ă obtenir, dans lâapplication, des effets toujours conformes Ă la rĂšgle et que lâon produit Ă coup sĂ»r. Au contraire, dĂšs quâelle sâest dĂ©tachĂ©e des mains de lâartiste, son Ćuvre devient pour lui une rĂ©alitĂ© Ă la fois familiĂšre et inconnue ou bien il nâen supporte plus la vue, ou bien il la considĂšre dâun regard aussi jeune que le spectateur qui la dĂ©couvre. Ce quâelle nous livre Ă ce moment-lĂ , elle le livre Ă tous ; le technicien a disparu ou sâil retrouve encore dâune maniĂšre trop apparente les moyens dont il sâest servi, câest quâil a manquĂ© son but. Non point quâune sorte dâĂ©galitĂ© soit créée alors entre les spectateurs. Celui qui a la conscience la plus ouverte, la plus fine et la plus accueillante a aussi de lâĆuvre dâart lâintelligence la plus pĂ©nĂ©trante il arrive quâil instruise lâartiste lui-mĂȘme non point seulement sur ce quâil a fait, mais sur ce quâil a voulu, presque Ă son insu. Car on ne peut juger dâun esprit sur la pensĂ©e quâil a lui-mĂȘme, mais sur les actes auxquels elle le conduit, ni sur ses desseins, mais sur leur fruit. Voici donc lâart devant nous, rĂ©duit Ă nâĂȘtre plus pour nous quâun pur tĂ©moignage auquel nous allons demander non point quel est son sens, mais quel sens il donne Ă cette rĂ©alitĂ© quâil reprĂ©sente et qui par lui se trouve toujours toutes les crĂ©ations de lâesprit humain lâart possĂšde en effet une situation exceptionnelle. Si nous acceptons de le considĂ©rer dans ses sommets, il donne Ă la conscience une satisfaction gratuite et parfaite qui surpasse son attente et mĂȘme son espĂ©rance. Il met en mouvement toutes ses puissances intĂ©rieures mais celles-ci, au lieu de sâopposer les unes aux autres, se rĂ©pondent, se soutiennent et sâunifient. Il devance en nous le dĂ©sir ce dĂ©sir, il va lâĂ©veiller au fond de nous-mĂȘme, il le dĂ©couvre et il le suscite. Mais en mĂȘme temps, il lâapaise et le comble. Dans lâĂ©motion esthĂ©tique, le dĂ©sir et lâobjet du dĂ©sir sont donnĂ©s Ă la fois, ils ne cessent de se rĂ©pondre dans une oscillation ininterrompue ; mais, tandis que, dans la vie de tous les jours, je ne rencontre aucun objet qui puisse Ă©galer, semble-t-il, ma puissance de dĂ©sirer, ici les rapports se trouvent tout Ă coup renversĂ©s. Le dĂ©sirable est antĂ©rieur au dĂ©sir. Et je crains quâil nây ait jamais en moi assez de dĂ©sir pour actualiser et possĂ©der tout ce dĂ©sirable. Il y a plus, le propre du dĂ©sir câest toujours de me montrer 1âinsuffisance du rĂ©el et de me porter au-delĂ . Mais ici tout au contraire câest le rĂ©el que nous avons sous les yeux qui ne cesse de nourrir le dĂ©sir sans que celui-ci parvienne Ă lâĂ©puiser. Pour cela il nâa fallu que cette touche lĂ©gĂšre de lâactivitĂ© humaine qui, en transposant le rĂ©el dans lâĆuvre dâart, lui a donnĂ© tout Ă coup une lumiĂšre extraordinaire, un immense arriĂšre-plan, une affinitĂ© mystĂ©rieuse avec nous. Lâart prend naissance au moment oĂč lâhiatus qui sĂ©pare le rĂ©el de notre esprit se trouve tout Ă coup aboli, oĂč la contradiction entre le sujet et lâobjet, entre lâaspiration et la donnĂ©e est surmontĂ©e, oĂč une incessante communication se produit entre la conscience et la nature, et qui est telle que chacune ne cesse de fournir Ă lâautre, toutes deux semblant Ă la fois recevoir et donner. 3Le monde qui Ă©tait pour moi un obstacle devient maintenant un chemin ouvert Ă mon esprit. Les choses cessent de mâĂȘtre opposĂ©es je dĂ©couvre entre elles et moi une affinitĂ© qui est lâobjet dâune possession actuelle, mais qui demeure toujours aussi une promesse et une espĂ©rance. Le signe de lâĂ©motion esthĂ©tique, câest la joie que je ressens Ă voir que les choses sont en effet ce quâelles sont. Je ne crains point quâelles mâĂ©chappent, puisque le propre de lâart câest de les capter et de mâen donner pour ainsi dire la disposition ; mais je nâai jamais fini dâen disposer ; je ne crains pas non plus que leur possession sâĂ©puise et me ferme lâavenir. Bien plus, il ne suffit pas que lâĂ©motion esthĂ©tique ne cesse de se renouveler et de se rĂ©gĂ©nĂ©rer elle-mĂȘme Ă mesure quâelle sâĂ©tend et sâapprofondit, il faut quâelle multiplie ces raisons que nous avons de vouloir que les choses soient prĂ©cisĂ©ment ce quâelles sont. Elle nous permet de donner ainsi au temps sa vĂ©ritable signification car il ne nous retire rien de ce que nous avions et sâil nous engage dans lâavenir, câest seulement pour nous montrer la plĂ©nitude infinie dâune valeur que nous avons pourtant sous les yeux. A cet Ă©gard, la beautĂ© dĂ©passe Ă la fois la vĂ©ritĂ© et la moralitĂ© la vĂ©ritĂ©, qui, si elle me donne la joie de la connaĂźtre, ne me donne pas celle de la vouloir puisque je nâagis jamais que pour la changer, et la moralitĂ© qui rĂ©side seulement dans lâeffort et le mĂ©rite et ne mâapporte jamais un objet que je puisse embrasser ni possĂ©der. La beautĂ© est une cime vers laquelle convergent Ă la fois la vĂ©ritĂ©, dĂšs que je puis la connaĂźtre et la vouloir tout ensemble, et la moralitĂ©, dĂšs que lâaction quâelle mâoblige Ă accomplir atteint un dernier point oĂč elle suscite la contemplation et coĂŻncide avec comprend donc bien pourquoi lâart nâest pas Ă proprement parler un problĂšme proposĂ© Ă notre rĂ©flexion ce qui paraĂźt Ă©vident si lâon considĂšre que toute rĂ©flexion sur lâart obscurcit sa nature au lieu de 1âĂ©clairer, dissout sa fine essence et transpose sur un terrain diffĂ©rent oĂč lâintelligence interroge encore le rĂ©el, la rĂ©ponse mĂȘme que lâart vient de lui fournir ce quâil nous montre en effet, câest comment lâesprit parvient Ă pĂ©nĂ©trer le rĂ©el, Ă se le rendre prĂ©sent, Ă lui reconnaĂźtre une signification en dĂ©couvrant en lui la rĂ©alisation de ses vĆux. Mais câest la conscience de lâartiste, elle, qui est un problĂšme vivant elle mesure la distance qui sĂ©pare ce qui lui est donnĂ© de ce quâelle dĂ©sire ; elle ignore ce quâelle dĂ©sire, puisquâelle cherche prĂ©cisĂ©ment Ă se le reprĂ©senter et, chose admirable, il suffit quâelle le reprĂ©sente pour lâobtenir. Câest comme une sollicitation adressĂ©e sans cesse au rĂ©el qui tout Ă coup le lui livre. Ainsi, lâĆuvre dâart est toujours une solution câest cette solution que nous cherchons en elle. Câest pour la mieux comprendre que nous remontons jusquâau problĂšme quâelle suppose sans oublier que la solution pour nous devance ici le problĂšme. Câest donc en mĂ©ditant sur lâart comme solution, et non point comme problĂšme, que nous discernons sa vĂ©ritable nature. Ou plutĂŽt, câest la solution qui nous dĂ©couvre le problĂšme. Au-delĂ mĂȘme de nos aspirations esthĂ©tiques lâart nous montre comment, si lâesprit sâidentifie toujours avec une question que nous posons sur le rĂ©el, cette question peut ĂȘtre satisfaite par une rĂ©ponse qui nous en donne la dâabord on peut dire que le propre de lâart, câest de nous dĂ©couvrir la prĂ©sence au rĂ©el. Et sans doute cette assertion peut surprendre, puisque le rĂ©el est devant nous et que lâart refuse, semble-t-il, de sâen contenter, soit quâil cherche seulement Ă le reproduire, mais sur un autre plan et avec des moyens qui lui appartiennent, soit quâil entreprenne de lâidĂ©aliser. Cependant lâapprĂ©hension du rĂ©el nâest pas aussi simple ni aussi immĂ©diate quâon pourrait le penser ; et si nous comparons la maniĂšre dont il sâoffre dâemblĂ©e au regard avec la reprĂ©sentation que lâart nous en donne, nous verrons que la vocation de lâart est prĂ©cisĂ©ment de nous en apporter la rĂ©vĂ©lation. En effet, le rĂ©el, câest dâabord un spectacle familier et changeant qui sâĂ©tend autour de nous, que nous retrouvons chaque jour et qui donne un point dâappui Ă nos pas et un but Ă nos mouvements, qui prĂ©sente juste assez de constance pour ne point nous ĂŽter toute sĂ©curitĂ© et juste assez de mobilitĂ© pour rĂ©veiller en nous les puissances de la vie et les obliger Ă tout instant Ă sâexercer. Mais peut-on dire que dans ce spectacle le rĂ©el se montre Ă nous vĂ©ritablement ? Y a-t-il en nous une attention, un intĂ©rĂȘt, qui, en sâattachant Ă lui, nous en donnent une image pure ? Que lui demandons-nous sinon de fournir un chemin Ă notre activitĂ© et un aliment Ă nos besoins ? En lui-mĂȘme le rĂ©el nâa encore pour nous ni valeur ni signification. Nous ne le rencontrons quâau terme dâune action Ă laquelle il fournit soit un obstacle, soit un vĂ©hicule. Nous ne cessons de lâinterroger mais afin de reconnaĂźtre ce quâil recĂšle en lui qui peut nous servir ou nous nuire. Nous nâenvisageons jamais le rĂ©el que dans son rapport, non pas seulement avec nous, mais avec notre utilitĂ©. DĂšs lors, en devenant pour nous un moyen, il nous dĂ©robe pour ainsi dire son vrai visage. Il se plie Ă une fin qui lui est Ă©trangĂšre et nous ne retenons de lui que les indices qui nous permettront de lâatteindre. DĂšs que ces indices ont Ă©tĂ© reconnus, nous cessons en quelque sorte de le voir. Ainsi, soit quâil ne puisse nous servir, soit que lâusage que nous en faisons devienne trop assurĂ©, il sâenveloppe peu Ă peu dans les voiles de lâhabitude derriĂšre eux nous soupçonnons sa prĂ©sence, mais sans ĂȘtre capables de la rĂ©aliser. 5Lâart dĂ©chire ce voile. Il abolit tous les Ă©crans entre le rĂ©el et nous. Il interrompt toutes ces rĂ©actions trop connues que le rĂ©el suscite en nous et qui le dissimulent. Il traverse toute lâĂ©paisseur des reprĂ©sentations acquises. Il nous oblige Ă retrouver avec les choses un contact absolu. Il abolit en elles lâutilitĂ©, dissipe toutes les arriĂšre-pensĂ©es par lesquelles nous les rapportons Ă quelque terme de comparaison situĂ© en dehors dâelles ; il serait mĂȘme plus vrai de dire, comme on le fait parfois, quâil en fait un terme de comparaison pour tout le reste, si ce nâĂ©tait par lĂ diviser encore une pensĂ©e quâelles doivent retenir tout entiĂšre et qui trouve dans leur contemplation un mouvement qui lui suffit. Ainsi, lâart restitue aux choses leur Ă©tat de choses il nous les dĂ©couvre ; il leur donne une sorte de prĂ©sence pure que jusque lĂ nous nâavions pas soupçonnĂ©e. Il nous oblige Ă les regarder, Ă les apercevoir telles que nous les verrions la premiĂšre fois, si notre regard Ă©tait assez pĂ©nĂ©trant et assez lucide. Il rend au regard sa parfaite jeunesse, Ă lâatmosphĂšre qui enveloppe le rĂ©el une transparence presque surnaturelle. On le voit dans 1âeffort par lequel lâartiste, prĂ©occupĂ© dâoublier tout son passĂ©, tout son savoir, cherche seulement Ă scruter le rĂ©el afin de le tenir Ă la disposition tout Ă la fois de lâĆil et de la main les ressources de la technique la plus habile nâont point dâautre fin que dâobtenir cette double coĂŻncidence et de disparaĂźtre au moment oĂč elle se rĂ©alise. Mais le spectacle du monde perd alors sa familiaritĂ© anonyme pour acquĂ©rir une familiaritĂ© intime et personnelle, comme les choses qui nâĂ©taient pour nous quâun objet dâusage dont nous nous sommes longtemps servi sans les avoir remarquĂ©es et qui, quand nous les retrouvons aprĂšs les avoir perdues de vue, acquiĂšrent tout Ă coup un relief vivant et mobilitĂ© des diffĂ©rents aspects du rĂ©el nous empĂȘchait aussi de leur appliquer une attention assez sĂ©rieuse habituĂ©s Ă les voir apparaĂźtre et disparaĂźtre, nous ne posions sur elles quâune pensĂ©e dâun moment qui sâĂ©tait dĂ©jĂ retirĂ©e dâelles avant quâelles fussent Ă©vanouies. Lâart, par lâimmobilitĂ© quâil leur donne, ou par la possibilitĂ© quâil nous donne de recommencer toujours un mouvement aboli, nous introduit dans cette prĂ©sence constante, indĂ©pendante Ă la fois du temps et du besoin, qui est toujours de niveau avec un esprit prĂ©sent Ă lui-mĂȘme et qui est prĂȘte Ă rĂ©pondre sans cesse Ă ses moindres sollicitations. Lâart suscite donc en nous une attention si pleine et si docile quâil nous montre comme vĂ©ritablement prĂ©sente une rĂ©alitĂ© qui Ă©tait toujours devant nous, mais que nous nâavions jamais vue il oblige la conscience Ă sâen emparer, Ă en rĂ©aliser une perception actuelle qui fait saillie sur toutes nos perceptions habituelles toujours un peu amorties ou effacĂ©es, soit par le souvenir de celles que nous avons dĂ©jĂ eues et qui les recouvrent, soit par les signes de quelque Ă©vĂ©nement plus lointain que nous recherchons en elles et qui nous en dĂ©tournent. Le propre de lâartiste, câest donc dâĂȘtre un mĂ©diateur entre le rĂ©el et nous il suffit de songer soit au peintre de paysage, soit au peintre de portrait qui nous donnent de lâhorizon le plus commun, du visage que nous croyons le mieux connaĂźtre une prĂ©sentation si profonde et en mĂȘme temps si inattendue, pour nous apercevoir que cette vision personnelle quâils nous apportent change la nĂŽtre et nous contraint, pour ainsi dire, Ă dĂ©couvrir, Ă travers les choses quâils nâont rencontrĂ©es souvent quâune fois, celles mĂȘmes que nous nâavions peut-ĂȘtre jamais cette prĂ©sence des choses, lâĂ©motion esthĂ©tique ne suffit-elle pas Ă nous la donner sans le secours de lâart ? Pourquoi faut-il encore que lâart intervienne pour en ĂȘtre lâinterprĂšte ? On comprend bien que lâartiste, dĂšs quâil atteint une apprĂ©hension si exceptionnelle du rĂ©el, songe Ă la fixer de maniĂšre Ă nous la communiquer et par consĂ©quent Ă nous permettre de la rĂ©aliser Ă notre tour. Mais est-ce lĂ lâunique signification de la crĂ©ation artistique ? Nâa-t-elle pour rĂŽle que de capter et de transmettre cette perception attentive et dĂ©sintĂ©ressĂ©e qui nous livre les choses elles-mĂȘmes, par delĂ lâhabitude ou lâusage ? Nul artiste ne consentirait sans doute Ă le dire. Car il sent bien que le propre de lâart nâest pas seulement de traduire une perception quâil a dĂ©jĂ , mais encore de la rendre possible et pour ainsi dire de la produire. Il nây a point de perception directe, engagĂ©e dans notre vie quotidienne, qui puisse affecter le caractĂšre dâune contemplation pure elle est pour cela trop chargĂ©e de matiĂšre, en relation trop immĂ©diate avec notre corps, avec lâespace et le temps oĂč se dĂ©ploient nos dĂ©sirs, elle est trop rĂ©sistante et trop fragile Ă la fois, trop pleine pour nous de menaces ou de promesses ; elle est mĂȘlĂ©e Ă toutes les conjonctures de notre vie pratique. Elle fait partie de ce monde temporel oĂč nous avons toujours quelque intĂ©rĂȘt plus ou moins pressant, ou nous ne cessons dâattendre, de dĂ©sirer, de craindre, de risquer, de nous dĂ©fendre, et qui ne devient jamais tout Ă fait un spectacle pour nous. Câest cette transformation de lâunivers en spectacle que lâart rĂ©alise. Il faut que ce spectacle soit inutile pour quâil ne soit plus que contemplĂ©. Non pas que dans cette contemplation la volontĂ© soit absente, puisquâau contraire nous avons affaire alors Ă cette volontĂ© dĂ©pouillĂ©e qui veut, comme nous lâavons dit, que les choses soient prĂ©cisĂ©ment ce quâelles sont, et non pas Ă cette volontĂ© de convoitise qui pense toujours au profit quâelle en pourra tirer. LâoriginalitĂ© de lâart, câest prĂ©cisĂ©ment de crĂ©er ce spectacle inutile qui oblige lâesprit Ă se purifier de toute pensĂ©e Ă©goĂŻste pour appliquer aux choses une pensĂ©e qui ne voit quâelles et qui aussitĂŽt les fait surgir devant nous. 7De lĂ le rĂŽle mystĂ©rieux jouĂ© par lâimitation qui a Ă©tĂ© si discutĂ©e, autour de laquelle on voit sans cesse renaĂźtre le conflit de lâidĂ©alisme et du rĂ©alisme, dont on ne peut pas dire quâelle Ă©puise tout le secret de la crĂ©ation artistique, mais qui nous permet cependant dâen comprendre lâessence. Et il nây a sans doute aucun art qui nâait recours Ă lâimitation, au moins dans une certaine mesure, mais sans que les arts qui paraissent fondĂ©s sur elle laissent pourtant une moindre place Ă lâinvention que les autres. 8Peut-ĂȘtre nây a-t-il point dâimitation, comme on le voit dans ses manifestations les plus spontanĂ©es et les plus irrĂ©flĂ©chies, qui ne possĂšde dĂ©jĂ un caractĂšre esthĂ©tique. Câest quâelle vide lâobjet de sa signification pratique et ne laisse plus subsister que sa forme. Aussi comprend-on que lâon puisse tantĂŽt ĂȘtre trĂšs sĂ©vĂšre pour elle et affirmer quâelle est toujours servile et tarit le gĂ©nie crĂ©ateur, et tantĂŽt la considĂ©rer avec assez de faveur pour prĂ©tendre que câest quand elle montre le plus de probitĂ© et de fidĂ©litĂ© que lâart atteint lui-mĂȘme la perfection la plus haute. Pourtant la vertu esthĂ©tique de lâimitation nâest pas oĂč on la met en gĂ©nĂ©ral elle ne rĂ©side pas dans lâemploi de certains moyens techniques qui nous permettent de rĂ©duire lâart Ă une activitĂ© spĂ©cialisĂ©e par laquelle nous disposons du rĂ©el avec plus ou moins de science ou dâhabiletĂ©. Non point que cette activitĂ© puisse ĂȘtre nĂ©gligĂ©e ; seulement elle ne vaut pas par elle-mĂȘme mais par le rĂŽle quâelle est destinĂ©e Ă remplir. Car ce rĂŽle, câest de rendre possible une transposition du rĂ©el du domaine de lâutilitĂ© dans un domaine diffĂ©rent oĂč lâesprit se donne des rĂšgles afin dâen faire un objet de contemplation pure. Lâart rĂ©side dans cette transposition elle-mĂȘme. Les rĂšgles auxquelles il sâassujettit pour la produire nâont point, comme on le croit, de signification esthĂ©tique par elles-mĂȘmes, mais seulement parce quâelles assurent la possibilitĂ© de cette imitation par transposition » qui substitue Ă lâimage de la rĂ©alitĂ© la rĂ©alitĂ© dâune image, et convertit un objet qui avait des rapports avec notre corps en un autre objet qui nâen a plus quâavec notre esprit. Câest cette transmutation, cette transfiguration qui en donnant aux choses une sorte de prĂ©sence absolue, les revĂȘt aussitĂŽt dâun caractĂšre esthĂ©tique. Ce qui suffit pour expliquer trois choses dâabord pourquoi, comme on 1âa remarquĂ© souvent, les choses qui sont dans la nature ne produisent en nous une Ă©motion esthĂ©tique que si nous rĂ©ussissons par lâimagination Ă en faire pour ainsi dire des tableaux, ensuite pourquoi aucune dâentre elles, contrairement Ă un prĂ©jugĂ© idĂ©aliste, ne possĂšde de privilĂšge esthĂ©tique, de telle sorte que la plus humble dâentre elles peut se changer en une Ćuvre dâart si lâimitation parvient Ă isoler sa reprĂ©sentation de tout usage servile ; enfin pourquoi lâimitation exclut elle-mĂȘme toute rĂ©pĂ©tition, puisquâelle doit nous donner la rĂ©alitĂ© mĂȘme de la chose dans son unitĂ© concrĂšte et sensible et que pour lâimiter deux fois, il faut nĂ©cessairement la recrĂ©er deux fois. 9Aussi, personne nâa vu plus profondĂ©ment lâessence mĂȘme de lâart que Pascal dans le mot si cĂ©lĂšbre et pourtant si cruel Quelle vanitĂ© que la peinture qui attire lâadmiration par la ressemblance des choses dont on nâadmire point les originaux !On ne cherchera point Ă la rĂ©futer et mĂȘme on lui donnera les mains, mais on montrera que si nous admirons cette ressemblance, câest prĂ©cisĂ©ment parce quâelle dĂ©pouille lâoriginal de ce quâil y avait en lui de momentanĂ© et dâutilitaire et qui nous empĂȘchait de le voir ; elle nous apprend Ă lâadmirer en nous apprenant prĂ©cisĂ©ment ce quâil comprend donc bien pourquoi lâart a toujours paru une sorte de prestige et mĂȘme de miracle. Car il donne une valeur Ă des choses qui par elles-mĂȘmes semblaient nâen avoir aucune. Or cette valeur semble produite par lâaction grĂące Ă laquelle nous parvenons Ă les figurer. Ce qui nous conduit Ă nous demander si lâart nâaurait pas son origine dans le pouvoir crĂ©ateur de lâesprit plutĂŽt que dans son pouvoir contemplatif. LâĆuvre dâart que nous avons sous les yeux accumule en elle toutes les actions quâil a fallu accomplir pour la crĂ©er et le propre de la contemplation câest seulement, en nous les donnant toutes Ă la fois, de nous permettre de les retrouver et de les accomplir encore par lâimagination. Lâart alors, comme la poĂ©sie, rĂ©siderait dans une activitĂ© inventive et crĂ©atrice par laquelle nous remonterions jusquâĂ cette source mĂȘme oĂč les choses prennent naissance il nous les montrerait dans la puissance mĂȘme qui leur permet dâĂ©clore. Ainsi sâexpliquerait ce rajeunissement, ce renouvellement que lâart imprime Ă toutes choses, aux plus banales, aux plus usĂ©es. Il semble les faire sortir des mains de lâartiste telles quâelles sont sorties des mains du crĂ©ateur. De lĂ les interprĂ©tations diffĂ©rentes que lâon a pu donner de lâactivitĂ© artistique elle-mĂȘme, soit quâon la considĂšre comme Ă©tant lâactivitĂ© propre de lâhomme qui introduit la beautĂ© dans le monde au moment oĂč il le fait pĂ©nĂ©trer dans une forme quâil a conçue soit quâon la considĂšre comme une activitĂ© qui dĂ©passe la nĂŽtre et qui, issue des tĂ©nĂšbres de lâinconscient, nous oblige Ă retrouver dans le rĂ©el lâappel dâune vie profonde presque toujours masquĂ©e par lâexpĂ©rience quotidienne, soit que lâon imagine une parentĂ© entre lâactivitĂ© par laquelle les choses se font et lâactivitĂ© par laquelle nous les percevons, de telle sorte que, pour en prendre possession, nous soyons amenĂ©s Ă en retrouver les diffĂ©rentes formes, Ă les figurer et Ă les multiplier. Le caractĂšre original de lâart, ce serait alors de nous obliger Ă rĂ©inventer le monde, de nous associer Ă ce mouvement qui ne cesse de le produire et de lâanimer et quâil est libre encore de prolonger et dâinflĂ©chir dâune infinitĂ© de maniĂšres. 11Il ne peut pas ĂȘtre question de contester cet Ă©lĂ©ment dâinvention et de crĂ©ation sans lequel lâart ne produirait rien. Et mĂȘme il nây a point de vue qui semble pĂ©nĂ©trer plus avant dans lâessence mĂȘme de lâart que celle qui essaie de lâatteindre dans lâacte mĂȘme qui le fait ĂȘtre bien plus, il y a une relation fort Ă©troite entre le caractĂšre par lequel nous avons essayĂ© de dĂ©finir lâart et qui est de donner aux choses une prĂ©sence toute neuve et celui qui nous permet de les considĂ©rer dans cette dĂ©marche crĂ©atrice qui les rend sans cesse naissantes. Pourtant il faut considĂ©rer quâune dĂ©marche inventive nâa point par elle-mĂȘme une valeur esthĂ©tique, que lâon ne peut attribuer aux crĂ©ations de la science, de la technique, ou mĂȘme de la moralitĂ© que par une extension des termes qui est peut-ĂȘtre abusive. Lâimportant en effet, câest que cette crĂ©ation soit celle dâun spectacle qui puisse ĂȘtre contemplĂ©. Or cela nâest possible prĂ©cisĂ©ment que si ce spectacle est lâobjet privilĂ©giĂ© de notre crĂ©ation, ce qui ne peut arriver que si nous nous prĂ©occupons non point de produire des effets qui puissent prendre place dans le monde et en changer pour ainsi dire la nature, mais de produire un nouvel aspect de la rĂ©alitĂ©, libre de tout intĂ©rĂȘt et qui nous permette de la saisir en elle-mĂȘme, abstraction faite du parti que nous songeons Ă en tirer. De telle sorte quâici lâaction, malgrĂ© les apparences, nâest jamais quâun moyen au service de la contemplation, alors que partout ailleurs lâaction crĂ©atrice vaut par son efficacitĂ© mĂȘme, ce que nous pourrions exprimer â Ă condition de dĂ©tourner un peu les mots de lâacception que leur avait donnĂ©e Aristote â en disant que lâaction de lâartiste est proprement poĂ©tique, mais quâelle nâest jamais y a plus si lâart nous paraĂźt rĂ©sider avant tout dans une crĂ©ation, ce nâest pas parce quâil ajoute au monde rĂ©el un autre monde oĂč notre imagination et notre sensibilitĂ© trouvent une satisfaction plus parfaite, câest parce quâil donne au monde rĂ©el un caractĂšre de nouveautĂ©, câest parce quâil nous oblige enfin Ă le percevoir, câest quâil nous le montre tel quâil Ă©tait toujours sans que nous lâayons jamais su. Il est bien vrai quâil surgit alors dans notre reprĂ©sentation comme si câĂ©tait nous qui le produisions. Pourtant, il y a toujours dans la crĂ©ation au moment oĂč elle sort elle-mĂȘme du nĂ©ant et des tĂ©nĂšbres, le mystĂšre et lâeffort dâun arrachement. LâĂ©motion qui lâaccompagne est dâun autre ordre que lâĂ©motion esthĂ©tique elle est plus violente et plus trouble. Mais lâĂ©motion esthĂ©tique accompagne le créé ; il y a en elle une possession plus tranquille et plus apaisĂ©e. Elle ne naĂźt du jeu des passions que quand, Ă lâintĂ©rieur de ce jeu lui-mĂȘme, viennent sâintroduire lâharmonie et la sĂ©curitĂ©. Mais alors, le caractĂšre de nouveautĂ© insĂ©parable de lâĆuvre dâart change de sens loin dâexprimer cet accĂšs dans lâĂȘtre dâune forme dâexistence jusque lĂ inconnue, loin de traduire cette mobilitĂ© infinie qui empĂȘche lâhumanitĂ© de remettre jamais ses pas dans les traces de ses anciens pas, elle serait le signe au contraire dâun retour vers une rĂ©alitĂ© que nous nâavions pas quittĂ©e mais avec laquelle nous avions perdu contact et que nous retrouvons tout Ă coup avec une sorte dâĂ©merveillement. Lâart, câest le monde reconnu ; câest le mĂȘme monde que celui oĂč nous avons toujours vĂ©cu, mais qui cesse de nous ĂȘtre Ă©tranger, qui rĂ©pond Ă toutes les puissances de notre Ăąme et coĂŻncide avec leur exercice. Câest pour cela quâil est toujours nouveau, non pas de cette nouveautĂ© instable et, inquiĂšte qui ne nous donne quâun Ă©branlement de surface, mais de cette nouveautĂ© si claire et si profonde que revĂȘt Ă chaque fois notre propre maison quand nous en avons vĂ©cu longtemps sĂ©parĂ© et que le moindre objet quâelle contient acquiert pour nous plus de profondeur et plus dâĂ©clat que tous les trĂ©sors de la fable. Ainsi lâart nâinvente rien ; il nous montre dans la moindre parcelle de ce qui nous est donnĂ© une richesse qui suffit Ă nous combler. Il introduit dans le temps lui-mĂȘme la dimension de lâĂ©ternitĂ© ; câest elle qui donne Ă chaque objet, dĂšs que lâart lâa touchĂ©, une inaltĂ©rable nouveautĂ©. Ainsi, quels que soient les efforts dâinvention et de crĂ©ation de lâartiste pour dĂ©passer le monde quâil a sous les yeux et nous faire pĂ©nĂ©trer dans un monde qui est son ouvrage, ces efforts nâaboutissent que sâils produisent un spectacle dans lequel nous retrouvons le rĂ©el qui jusque lĂ nous avait toujours Ă©chappĂ©, de telle sorte que toute invention doit venir se rĂ©soudre dans la dĂ©couverte mĂȘme de ce qui est, et toute crĂ©ation, dans la prĂ©sence du rĂ©el qui tout Ă coup nous est lors, tout le mystĂšre pour nous est de savoir pourquoi nous ne pouvons prendre possession des choses quâĂ travers cette apparence que nous crĂ©ons et qui semble pourtant nous en Ă©loigner. Câest le moment maintenant de rĂ©aliser la synthĂšse de ces deux caractĂšres qui sont indissolublement unis dans lâart Ă savoir quâil dĂ©tache le spectacle du rĂ©el de toutes ses servitudes, câest-Ă -dire de lâhabitude et du besoin, et quâen crĂ©ant ce spectacle, il lui donne une Ă©ternitĂ© toujours renaissante. Tout dâabord, nous pouvons dire que le caractĂšre propre de lâart, câest en effet de produire une apparence ; mais nous donnerons Ă ce mot son sens le plus fort. Câest dans lâart seulement que le rĂ©el nous apparaĂźt, mais pour cela il faut que nous donnions a cette apparence une rĂ©alitĂ© sĂ©parĂ©e jusque lĂ le rĂ©el nous rassurait par une prĂ©sence obscure que nous nâavions pas besoin dâactualiser ; lâart, au contraire, nous oblige Ă le faire. Il isole lâapparence des choses afin de montrer quâen effet elles nous apparaissent. Mais il y a plus, les choses ne nous sont jamais prĂ©sentes par elles-mĂȘmes pour quâelles le deviennent, il faut que nous nous les rendions nous-mĂȘmes prĂ©sentes. Et mĂȘme on peut dire quâil nây a pas dâautre prĂ©sence que la prĂ©sence de lâesprit. Ă lui-mĂȘme. Cette prĂ©sence se rĂ©alise par une activitĂ© quâil dĂ©pend de lui dâexercer. Câest par elle que la rĂ©alitĂ© nous deviendra prĂ©sente Ă son tour. Mais il y faut lâattention la plus dĂ©sintĂ©ressĂ©e et la plus pure. Et nous savons Ă quel point lâactivitĂ© de lâesprit est vacillante et prompte Ă flĂ©chir ; elle se repose sur lâobjet, dĂšs quâelle croit lâavoir rencontrĂ© et cesse dây appliquer son effort. Elle le perd presque aussitĂŽt quâelle lâa trouvĂ©. Or, rien ne peut ĂȘtre prĂ©sent pour nous que dans lâacte mĂȘme par lequel nous rĂ©alisons cette prĂ©sence. Mais cet acte peut-il demeurer purement intĂ©rieur ? Nous consentons Ă reconnaĂźtre que chez certains esprits dâune vigueur singuliĂšre, chez tous les hommes dans certaines minutes bienheureuses, chez lâartiste dans ce moment chargĂ© dâune Ă©motion incomparable oĂč la possession et la jouissance du rĂ©el ont pour lui tant de plĂ©nitude et de perfection que le pinceau lui tombe des mains, la crĂ©ation artistique peut paraĂźtre fragile et inutile la prĂ©sence mĂȘme du rĂ©el nous est livrĂ©e alors sans intermĂ©diaire avec une beautĂ© surabondante qui nous ĂŽte la puissance dâagir. Seulement, cette rĂ©vĂ©lation est elle-mĂȘme rare et Ă©vanouissante ; quand elle nous manque, nous cherchons Ă la susciter et Ă la produire ; nous cherchons Ă la maintenir quand elle commence Ă nous fuir. Nous voulons pouvoir la retrouver nous-mĂȘme quand nous lâavons perdue, nous voulons la suggĂ©rer Ă ceux qui ne lâont pas et leur communiquer un bien dont nous les croyons appelĂ©s Ă jouir avec nous. Câest alors que la main vient au secours de lâesprit. Mais il se produit alors un phĂ©nomĂšne admirable, câest que la main ne se contente pas de prolonger lâaction de lâesprit, dâimmobiliser la vision du rĂ©el quâil nous a donnĂ©e de maniĂšre Ă nous en assurer une possession stable et qui nous permet dâen disposer. Il faut dire que la main oblige lâesprit Ă exercer toutes ses puissances elle rĂ©veille son attention et lâinvite sans cesse Ă se tendre ce projet quâa le peintre de capter le rĂ©el sur sa toile comme un spectacle pur ravive son regard, lui donne plus dâacuitĂ© et de dĂ©licatesse et le contraint Ă dĂ©gager du rĂ©el le spectacle mĂȘme dont lâesprit ne peut prendre possession que dans une sorte de circulation ininterrompue entre lâĆil et la main, oĂč chacun dâeux renvoie vers lâautre et lâincite Ă se dĂ©passer. On peut bien dire du peintre que ce quâil est capable de voir est la mesure de ce quâil est capable de peindre. Mais lâinverse est vrai plus quâon ne le croit, ce qui justifie en partie tous ceux qui veulent rĂ©duire lâart Ă la technique. Ainsi, on ne sâĂ©tonnera pas que notre vision du rĂ©el sâenrichisse au cours mĂȘme des efforts que nous faisons pour la fixer Ă travers les maladresses de lâexĂ©cution nous reconnaissons aussi les insuffisances de la vision et tant que lâĆuvre nâest pas terminĂ©e, nous ne cessons de les dire que dans lâĆuvre dâart lâesprit sâest reconnu ; il se donne lĂ le spectacle de lui-mĂȘme en mĂȘme temps que le spectacle des choses et la perfection de lâart se trouve atteinte au moment oĂč ces deux spectacles nâen font quâun. Le jeu de lâĂ©motion esthĂ©tique, câest le jeu de leur coĂŻncidence tour Ă tour perdue et retrouvĂ©e. Lâart est le moyen qui permet Ă lâesprit de se mirer pour ainsi dire dans le rĂ©el et câest pour cela que le rĂ©el devient pour lui intelligible, non pas seulement dâune intelligibilitĂ© abstraite comme celle de la science qui nous permet de le dominer par une loi, mais de cette intelligibilitĂ© sensible par laquelle il devient aussi lâobjet de notre vouloir et lâexpression de notre vie. Câest en composant le rĂ©el que lâart lâapprĂ©hende ; mais par lĂ il se rend le rĂ©el prĂ©sent en devenant lui-mĂȘme prĂ©sent au cĆur du rĂ©el, de telle sorte que lâon ne sait plus dire sâil se lâest incorporĂ© ou sâil est incorporĂ© Ă lui. Car le rĂ©el nâest plus pour lui que lâesprit rĂ©alisĂ© ce qui permet dâexpliquer ce caractĂšre que nous avons reconnu dâabord dans lâĆuvre dâart de nous donner une satisfaction qui nous comble car elle est en elle-mĂȘme finie, achevĂ©e, mais elle retient toute lâattention de lâesprit qui ne songe pas Ă la quitter, Ă sâen Ă©vader, qui ne cesse de circuler en elle, parce quâelle renouvelle toujours son propre mouvement sans 1âĂ©puiser jamais. Câest dire encore quâelle enclĂŽt lâinfini dans le fini, et par lĂ nous montre comment lâesprit et le rĂ©el parviennent Ă coĂŻncider car le caractĂšre du rĂ©el, câest comme on le voit dans lâobjet le plus humble, de donner prise Ă la multiplicitĂ© infinie de visions diffĂ©rentes, mais de les surpasser toutes. Or, le propre de lâart câest de nâen rĂ©aliser quâune, de nous proposer telle vision particuliĂšre que tel artiste en a eue dans telle circonstance et Ă tel moment. Mais dans cette vision, lâesprit sâest emparĂ© du rĂ©el, il nous rĂ©vĂšle sa prĂ©sence qui jusque lĂ nous avait Ă©tĂ© refusĂ©e ; par lâintermĂ©diaire de la vision dâun autre, lâart nous dĂ©couvre la nĂŽtre et ne cesse de lâenrichir. Bien plus, il produit dans la conscience du spectateur une multiplicitĂ© infinie de suggestions diffĂ©rentes qui peuvent toujours aller au-delĂ de ce que lâartiste a lui-mĂȘme senti, pensĂ© et voulu. Ainsi, câest lâĆuvre la plus individuelle Ă la fois par son objet et par le gĂ©nie de son auteur qui Ă©veille le plus de rĂ©sonances dans toutes les consciences, câest-Ă -dire qui a le plus dâuniversalitĂ©. Et comme le propre dâune esquisse, câest de nous laisser assez de libertĂ© pour que nous puissions lâachever dâune infinitĂ© de maniĂšres, le propre du chef-dâĆuvre, câest de sâoffrir Ă la mĂȘme libertĂ© dans la perfection dâun achĂšvement qui est bien loin de la borner puisquâau contraire elle ne parviendra jamais Ă lâ nous venons dâobserver que lâart doit composer le rĂ©el pour nous en donner la prĂ©sence. Nâest-ce point de nouveau ramener lâessence de lâart Ă une dĂ©marche inventive et crĂ©atrice et subordonner en lui la contemplation Ă lâaction ? Mais peut-ĂȘtre pourrait-on montrer que composer le rĂ©el, câest beaucoup moins ĂȘtre capable de le produire quâĂȘtre capable de le percevoir. Ou du moins, nous ne parvenons Ă le produire que selon les lois qui nous ont permis de le percevoir. Car câest seulement quand nous avons dĂ©couvert les lignes de structure du rĂ©el que nous sommes capable de le reconstruire faute de quoi notre construction elle-mĂȘme sâĂ©croulerait. Mais il y a plus ce nâest pas parce quâil est construit par nous que le rĂ©el prĂ©sente pour nous un caractĂšre esthĂ©tique ; câest parce quâen le construisant, nous obligeons le regard Ă dĂ©couvrir les proportions qui le soutiennent et qui lui permettent de subsister. 14Mais pour cela il serait bon dâĂ©tudier les arts qui ne sont point Ă proprement parler des arts dâimitation comme ceux auxquels nous paraissons avoir attachĂ© jusquâici une sorte de privilĂšge et de considĂ©rer par exemple lâarchitecture, la poĂ©sie et la musique, câest-Ă -dire des arts dans lesquels il ne sâagit pas de nous livrer la prĂ©sence dâune rĂ©alitĂ© prĂ©existante, mais de crĂ©er une rĂ©alitĂ© nouvelle par une action qui la devance et qui doit, semble-t-il, expliquer tous ses caractĂšres, en particulier le plaisir esthĂ©tique quâelle nous donne. Ici, on discerne mieux que partout ailleurs le rĂŽle dâune activitĂ© intellectuelle et volontaire qui en composant entre eux de purs rapports, donne lâĂȘtre Ă des Ă©difices de pierres ou de sons qui nâont trouvĂ© hors de notre esprit aucune espĂšce de modĂšle. Il nây a point dâarts qui soient plus instructifs pour le philosophe, ni qui lui fournissent un si beau sujet de mĂ©ditation, puisque dans chacun dâeux nous voyons lâesprit, par son mouvement propre et par les combinaisons quâil invente, chercher Ă Ă©branler la sensibilitĂ© et pour ainsi dire Ă en disposer câest lui qui calcule et mesure par avance tous les effets quâil pourra produire en elle. Nous nous trouvons mĂȘme ici au nĆud de tous les problĂšmes philosophiques, au point oĂč la destinĂ©e de lâart fait corps avec celle de lâhomme et de la civilisation tout entiĂšre, sâil est vrai que la conscience rĂ©sulte toujours de la rencontre mystĂ©rieuse de lâactivitĂ© et de la passivitĂ© en nous et quâil ne peut point y avoir pour elle de conquĂȘte plus haute que celle qui consisterait Ă ne plus subir dâautre passivitĂ© que celle quâelle sâimposerait par son activitĂ© mĂȘme. Or on ne peut douter que ce ne soit lĂ en effet la fin propre de lâart il est cette exceptionnelle rĂ©ussite qui nous permet au prix de beaucoup dâefforts, de rĂ©concilier ce que nous voulons avec ce que nous Ă©prouvons. Et câest pour cela quâil Ă©claire notre pensĂ©e au lieu dâavoir besoin dâĂȘtre Ă©clairĂ© par elle. Mais il y a lĂ pourtant un caractĂšre qui est commun Ă tous les arts et non pas seulement propre Ă quelques-uns. Car les arts dâimitation mettent en jeu eux aussi une activitĂ© rĂ©glĂ©e par laquelle ils cherchent Ă atteindre la sensibilitĂ© et Ă lâĂ©mouvoir. Seulement, câest pour nous faire retrouver une prĂ©sence qui, dans lâarchitecture et la musique, nâaura Ă©tĂ© lâobjet dâaucune expĂ©rience et sera par consĂ©quent une prĂ©sence produite par lâart lui-mĂȘme, une prĂ©sence créée. Ce qui permettrait de considĂ©rer ces arts comme plus purs en quelque sorte que tous les autres, puisquâau lieu de prendre la nature pour soutien, ils ne connaĂźtraient point dâautre nature que celle dont ils seraient eux-mĂȘmes les lors on pourrait se demander sâil est encore possible de les regarder comme une rĂ©vĂ©lation du rĂ©el. En eux, tout dĂ©pend du propos et de lâartifice, et la sensibilitĂ© se fait juge de lâactivitĂ© qui a produit tel ouvrage sans sâinterroger sur sa puissance Ă©vocatrice par rapport Ă une rĂ©alitĂ© qui nâa point de ressemblance avec lui. Cependant, une telle opposition nous inspire quelque dĂ©fiance, dâabord parce quâil serait onĂ©reux de rompre inutilement la solidaritĂ© entre les diffĂ©rents arts, ensuite parce quâon pourrait allĂ©guer aussi, et on nâa pas manquĂ© de le faire, lâexistence dâune peinture pure qui devrait nous apporter une satisfaction indĂ©pendante de toute relation avec lâobjet qui lui a servi de modĂšle, enfin, parce que les arts qui paraissent ajouter le plus Ă la rĂ©alitĂ© sont ceux qui sont le plus rigoureusement soumis Ă ses lois. Ce que lâon comprendra facilement si lâon rĂ©flĂ©chit que la peinture la plus imparfaite et le plus mauvais dessin rĂ©ussissent encore Ă Ă©voquer les dĂ©linĂ©aments du rĂ©el, et quâil peut toujours y avoir en eux quelque faux-semblant, au lieu quâun Ă©difice architectural ou musical qui ne tiendrait pas le compte le plus exact des lois de la pesanteur ou de celles de lâoreille sâĂ©croulerait sans pouvoir ĂȘtre sauvĂ© il peut montrer leur souplesse, ruser avec elles, tĂ©moigner que leur action sâexerce encore lĂ oĂč il semble les dĂ©fier, mais ce sont elles qui assurent la soliditĂ© de lâĂ©difice, qui lui donnent du mĂȘme coup son caractĂšre rĂ©el et son caractĂšre esthĂ©tique. Et câest seulement lorsquâil acquiert un caractĂšre esthĂ©tique quâil nous dĂ©couvre la prĂ©sence mĂȘme de ces proportions qui sont comme le rĂ©seau dans lequel la rĂ©alitĂ© demande Ă ĂȘtre saisie. Les pierres et les sons ne sont plus ici que des instruments ou des vĂ©hicules. La rĂ©alitĂ© dont ils nous donnent la prĂ©sence par leur assemblage, câest celle dâun ordre dont on peut bien dire que lâartiste le produit, mais dont il est plus vrai encore de dire quâil le dĂ©couvre et quâil cherche seulement Ă le manifester. Voici donc des arts qui, bien quâils demandent plus quâaucun autre Ă la matiĂšre et au sensible, sont cependant les plus abstraits de tous, puisquâils ne portent que sur des rapports. Nous saisissons ici lâactivitĂ© de lâesprit dans son pur exercice dans son pouvoir proprement inventif, dans la facultĂ© quâelle a dâintroduire dans le monde des crĂ©ations absolument nouvelles. Ce nâest lĂ pourtant quâune apparence. Ou du moins, nous avons affaire maintenant Ă une conjugaison subtile de lâesprit et du rĂ©el qui fait que lâinvention la plus hardie ne fait quâun avec une dĂ©couverte obtenue et que la crĂ©ation la plus originale se dĂ©noue en une nĂ©cessitĂ© contemplĂ©e. On peut sur ce point invoquer les tĂ©moignages de la conscience qui invente ou qui crĂ©e aussi longtemps quâelle garde encore lâimpression dâajouter au rĂ©el, câest quâelle ne lâa pas atteint, elle est encore dans la pĂ©riode des essais, elle nâa pas dĂ©passĂ© lâhorizon de sa propre subjectivitĂ©. Mais les plus grands de tous les artistes savent bien que quand ils trouvent, câest quâils sont allĂ©s au delĂ de lâinvention elle-mĂȘme. Les mots de juste, de pur ou de parfait nâont de sens que pour Ă©voquer une rencontre du rĂ©el que nous nâavions encore quâapprochĂ© et qui ne donne Ă lâesprit tant de sĂ©curitĂ© et de certitude que parce quâil perçoit enfin dans ce qui est la raison mĂȘme de ce qui le fait voit bien maintenant quel est le caractĂšre de lâart. Câest bien de nous donner la prĂ©sence mĂȘme du rĂ©el, et par consĂ©quent de nous en apporter la rĂ©vĂ©lation. Mais il ne peut y rĂ©ussir quâen le figurant, Ă la fois parce que câest ainsi quâil rĂ©ussira Ă le dĂ©livrer de toutes ces prĂ©occupations pratiques qui le recouvrent et le dissimulent et par suite Ă le transformer en un spectacle pur, â et parce que, pour le figurer, lâesprit sâoblige Ă le composer selon les lois intĂ©rieures qui lui permettent de subsister et par lĂ le pĂ©nĂštre et en prend possession. Dans lâart, on peut dire Ă©galement que le rĂ©el devient tout entier transparent pour lâesprit et quâil nây a pas un seul de ses Ă©lĂ©ments qui ne soit un point dâapplication pour lâune de ses opĂ©rations. Alors, le rĂ©el devient la vĂ©ritable patrie de lâesprit. Ce que lâon comprend aisĂ©ment si lâon songe dâune part que lâart nâa dâexistence que pour lâesprit et dans lâesprit, puisque lâobjet qui produit en nous lâĂ©motion esthĂ©tique la plus vive peut ĂȘtre dĂ©crit par un indiffĂ©rent comme lâobjet le plus commun sans que rien lui soit retranchĂ© et, dâautre part que, cet objet, dĂšs que lâart sâen retire, se change aussitĂŽt en un obstacle ou en un moyen, câest-Ă -dire perd sa rĂ©alitĂ© propre et ne peut plus ĂȘtre apprĂ©hendĂ© comme un simple spectacle. Mais lĂ oĂč est le rĂ©el, et lĂ oĂč est notre esprit, câest lĂ aussi quâest notre vie vĂ©ritable. Lâart nâest donc pas une Ă©vasion. Lâartiste le sait bien qui considĂšre la vie commune comme nâayant point dâautre rĂŽle que de lui permettre lâaccĂšs dans un monde plus lumineux oĂč les choses acquiĂšrent leur juste relief et leur vĂ©ritable valeur il nâa point deux vies sĂ©parĂ©es car sa vie commune est toute pĂ©nĂ©trĂ©e par 1âautre qui nâen exprime que la suprĂȘme rĂ©ussite et pour ainsi dire 1âextrĂȘme pointe. Comme il nây a point de lumiĂšre sans ombre, lâart forme contraste avec la banalitĂ© ou la laideur des Ă©vĂ©nements quotidiens ; mais câest quâil est insĂ©parable dâun regard quâil dĂ©pend de nous de diriger, dâune activitĂ© quâil dĂ©pend de nous de mettre en Ćuvre, et pour tout dire dâune responsabilitĂ© quâil dĂ©pend de nous dâassumer Ă lâĂ©gard du monde. Alors, il nây a plus rien de rĂ©el dans le monde qui, en nous dĂ©couvrant sa signification, ne nous dĂ©couvre aussi sa beautĂ©. Câest au point mĂȘme oĂč elles nous montrent leur beautĂ© que les choses nous dĂ©couvrent aussi leur rĂ©alitĂ©. Et câest pour cela que lâesprit le plus profond est celui qui voit dans le monde le plus de choses belles. On voit donc combien Platon avait tort de chasser les poĂštes de la RĂ©publique en leur reprochant dâembellir les choses laides les poĂštes ne changent lâapparence des choses que parce quâils dĂ©couvrent leur essence secrĂšte. Et sâil est vain de vouloir subordonner lâart Ă la moralitĂ©, nous savons pourtant quâil existe une beautĂ© morale dans laquelle le bien, cessant dâĂȘtre une pure intention du vouloir, devient lui aussi une prĂ©sence manifestĂ©e. Notes [1] Ce texte est celui dâune confĂ©rence faite en Roumanie et dont la traduction roumaine a Ă©tĂ© publiĂ©e en 1938.
Poursavoir Ă quoi sert lâart, il faudra bien savoir de quoi on parle Pour Bergson, lâartiste est celui qui est capable de se dĂ©tacher de la rĂ©alitĂ©, de "notre besoin de vivre et dâagir" qui "nous a amenĂ© Ă rĂ©trĂ©cir et Ă vider" notre vision du monde. DĂšs lors lâart sert Ă nous rĂ©vĂ©ler en nous et hors de nous ce que nos prĂ©occupations matĂ©rielles nous empĂȘchent de
Chapitres I Le projet artistique s'inscrit dans un travail de la conscience sur elle-mĂȘme II Comprendre n'est pas expliquer III L'artiste ne donne pas Ă comprendre il rend visible » Paul Klee Lâartiste donne-t-il quelque chose Ă comprendre ? L'artiste fait Ă©videmment Ă©prouver, ressentir mais on ne comprend pas bien en quel sens il donnerait Ă comprendre. Qu'y aurait-il Ă comprendre en Ă©coutant un symphonie de Mozart ou en contemplant un carrĂ© blanc sur fond blanc de MalĂ©vitch ? Et si c'Ă©tait le cas ce serait donner Ă comprendre quelque chose que les autres savoir ou activitĂ© humaines ne donnent pas. Pourtant on pouvait observer la richesse du verbe comprendre qui se distingue d'expliquer mais signifie aussi englober, relier, prendre en soi. Il s'agit donc de penser l'intention et la rĂ©ussite des l'entreprise artistique selon cette modalitĂ© d'un lien entre le spectateur et lui, entre ses Ćuvres et le monde, entre les hommes eux-mĂȘmes. I Le projet artistique s'inscrit dans un travail de la conscience sur elle-mĂȘme Hegel reprend cette gĂ©nĂ©alogie de la conscience et Ă©voque lâimage dâun enfant qui sâamuse Ă jeter des cailloux dans un fleuve et admire les cercles qui se dessinent Ă la surface de lâeau. A la question de savoir pourquoi lâenfant tire autant de plaisir de cette activitĂ© apparemment insignifiante, Hegel rĂ©pond qu'elle constitue le commencement mĂȘme de l'humanitĂ© par la contemplation Ă l'extĂ©rieur de lui de sa propre conscience, de sa propre vie intĂ©rieure. La conscience de soi consiste ainsi Ă se de dĂ©doubler et Ă imprimer sa marque sur le monde pour s'y reconnaĂźtre. Mais il va plus loin en concluant Ce besoin passe par les manifestations les plus variĂ©es et les figures les plus diverses avant dâaboutir Ă ce mode de production de soi-mĂȘme dans les choses extĂ©rieures tel quâil se manifeste dans lâĆuvre dâart ». C'est pourquoi l'artiste doit ĂȘtre pensĂ© comme celui qui produit par le travail de sa conscience crĂ©atrice une image singuliĂšre et inouĂŻe de lui-mĂȘme, qu'il tend Ă la sociĂ©tĂ© qui peut ou pas s'y reconnaĂźtre. D'oĂč ce pouvoir extraordinaire de l'art qu'il dĂ©crit dans l'EsthĂ©tique "Ăveiller lâĂąme tel est, dit-on, le but final de lâart, tel est lâeffet quâil doit chercher Ă obtenir. Câest de cela que nous avons Ă nous occuper en premier lieu. En envisageant le but final de lâart sous ce dernier aspect, en nous demandant notamment quelle est lâaction quâil doit exercer, quâil peut exercer et quâil exerce effectivement, nous constatons aussitĂŽt que le contenu de lâart comprend tout le contenu de lâĂąme et de lâesprit, que son but consiste Ă rĂ©vĂ©ler Ă lâĂąme tout ce quâelle recĂšle dâessentiel, de grand, de sublime, de respectable et de vrai. Il nous procure, dâune part, lâexpĂ©rience de la vie rĂ©elle, nous transporte dans des situations que notre expĂ©rience personnelle ne nous fait pas, et ne nous fera peut-ĂȘtre jamais connaĂźtre les expĂ©riences des personnes quâil reprĂ©sente, et, grĂące Ă la part que nous prenons Ă ce qui arrive Ă ces personnes, nous devenons capables de ressentir plus profondĂ©ment ce qui se passe en nous-mĂȘmes. Dâune façon gĂ©nĂ©rale, le but de lâart consiste Ă rendre accessible Ă lâintuition ce qui existe dans lâesprit humain, la vĂ©ritĂ© que lâhomme abrite dans son esprit, ce qui remue la poitrine humaine et agite lâesprit humain. Câest ce que lâart a pour tĂąche de reprĂ©senter, et il le fait au moyen de lâapparence qui, comme telle, nous est indiffĂ©rente, dĂšs lâinstant oĂč elle sert Ă Ă©veiller en nous le sentiment et la conscience de quelque chose de plus Ă©levĂ©. Câest ainsi que lâart renseigne sur lâhumain, Ă©veille des sentiments endormis, nous met en prĂ©sence des vrais intĂ©rĂȘts de lâesprit. Nous voyons ainsi que lâart agit en remuant, dans leur profondeur, leur richesse et leur variĂ©tĂ©, tous les sentiments qui sâagitent dans lâĂąme humaine, et en intĂ©grant dans le champ de notre expĂ©rience ce qui se pas se dans les rĂ©gions intimes de cette Ăąme. Rien de ce qui est humain ne mâest Ă©tranger » telle est la devise quâon peut appliquer Ă lâart." OĂč trouver un cours philo ? 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Expliquer, c'est mettre en Ă©vidence un lien objectif qui unit un phĂ©nomĂšne au processus qui en est la cause. C'est ainsi Ă©noncer la loi qui prĂ©side Ă sa production. Comprendre c'est Ă©tymologiquement prendre ensemble, dans une opĂ©ration de synthĂšse, en ramenant Ă l'unitĂ© d'un sens, d'une intention, d'un projet ; c'est unifier en pensĂ©e un acte ou une parole en les rapportant Ă leur raison d'ĂȘtre effectuĂ© ou dite. C'est pourquoi lâĆuvre d'art devra ĂȘtre interprĂ©tĂ©e L'artiste vise donc Ă unifier les choses, Ă revenir Ă cette sympathie, cette unitĂ© fondamentale du monde, par delĂ les distinction intellectuelle, logique, utilitaires. Merleau-Ponty a Ă©tudiĂ©, ou plutĂŽt dĂ©crit cette entreprise du peintre, en lâoccurrence CĂ©zanne, qui cherche Ă atteindre ce moment oĂč le sentir est cette communication vitale avec le monde qui nous le rend prĂ©sent comme lieu familier de notre vieâ, qui cherche Ă saisir comment le monde nous touche. On pouvait penser aussi Ă la puissance unificatrice des synesthĂ©sie de Baudelaire que reprend Rimbaud Je me flattai dâinventer un verbe poĂ©tique accessible, un jour ou lâautre, Ă tous les sens » Alchimie du Verbe III L'artiste ne donne pas Ă comprendre il rend visible » Paul Klee Il faut envisager l'entreprise titanesque et promĂ©thĂ©enne de l'artiste comme celle d'une recrĂ©ation du monde. L'effort de lâartiste consiste Ă enrichir notre rapport au monde, notre perception, notre sensibilitĂ© afin de nous dĂ©livrer du rapport logique, utilitaire et distinctif qui nous anime et qui simplifie toute choses. Face Ă âla science manipule les choses et renonce Ă les habiterâ Merleau-Ponty l'artiste est celui qui nous invite Ă habiter pleinement le monde. Platon est extrĂȘmement visionnaire dans la RĂ©publique en affirmant que lâartisan a un savoir faire dont ne dispose pas lâartiste parce quâeffectivement le crĂ©ateur nâest pas fondamentalement quelquâun qui fait mais quelquâun qui montre, qui donne Ă voir. En cela il nâapporte rien de substantiel, de palpable. Mais câest justement pour cette raison que lâart est une activitĂ© indispensable de lâhomme. Lâart est lâune des façons que lâesprit a de se saisir lui-mĂȘme dans une forme sensible, extĂ©rieure Ă lui et libĂ©rĂ© des contraintes de l'existence ordinaire. Mais ce faisant les Ćuvres d'art transforment ceux qui les contemplent. Alain conclut ainsi Je ne dirai pas seulement que ce sont les gĂ©nies enchanteurs qui nous dĂ©livrent de l'ennui; je dirai qu'ils nous font nous-mĂȘmes poĂštes et peintres ». Et c'est en cela que rĂ©side la vĂ©ritĂ© de l'art. La plateforme qui connecte profs particuliers et Ă©lĂšves Vous avez aimĂ© cet article ? Notez-le ! 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Lart sert-il Ă quelque chose ? Dans son roman La route du retour Jim Harrison donne un point de vue sur l'art d'une trĂšs grande beautĂ© : L'art se trouve au cĆur de notre ĂȘtre le plus intime et il fait partie de la nature des choses tout
L'art est-il gratuit et dĂ©sintĂ©ressĂ© ou n'est-il qu'un moyen d'exprimer un message religieux, politique, etc. ? Tenter de rĂ©pondre Ă cette question suppose d'interroger le statut social et historique de l'art. I L'art exprime un message Les peintures des grottes de Lascaux avaient le pouvoir magique de favoriser la chasse. Les temples grecs ou les cathĂ©drales gothiques devaient glorifier les dieux et soutenir la foi des croyants. Longtemps, l'art a eu une fonction Ă©sotĂ©rique ou religieuse. Il a pu ĂȘtre utilisĂ© Ă©galement comme un moyen efficace au service d'un message politique. La publicitĂ©, quant Ă elle, soumet l'art Ă une utilitĂ© commerciale et vĂ©hicule un modĂšle de sociĂ©tĂ© consumĂ©riste. Cependant, vouloir faire de l'art une expression revient Ă en faire un langage Ă interprĂ©ter, renvoyant Ă une vĂ©ritĂ© rendue Ă travers des symboles. C'est rĂ©duire l'art Ă un moyen au lieu d'en faire une activitĂ© ayant sa fin en soi. II L'art est dĂ©sintĂ©ressĂ© 1 L'art n'a pas d'utilitĂ© Pour Kant, l'art et le beau doivent ĂȘtre dĂ©sintĂ©ressĂ©s. Le beau doit ĂȘtre distinguĂ© de l'utile. On doit ainsi distinguer beautĂ© libre » et beautĂ© adhĂ©rente » admirer une voiture de course pour sa belle ligne, c'est goĂ»ter Ă la beautĂ© libre par un jugement de goĂ»t ; l'admirer parce qu'elle va vite, c'est admirer sa beautĂ© adhĂ©rente par un jugement d'utilitĂ©. Le beau doit ĂȘtre aussi distinguĂ© de l'agrĂ©able. Le beau procure un plaisir formel la prĂ©sentation esthĂ©tique d'un plat, l'agrĂ©able apporte un plaisir matĂ©riel l'odeur appĂ©tissante du mĂȘme plat. Le beau doit ĂȘtre Ă©galement distinguĂ© du vrai, puisqu'il est affaire de goĂ»t, et qu'il n'y a lĂ ni preuve, ni connaissance objective l'art n'est pas une science au sens classique du terme. 2 L'art nous dĂ©tache des choses matĂ©rielles Enfin, pour Kant, le beau doit ĂȘtre distinguĂ© du bon l'art n'est ni moral, ni immoral. Vouloir censurer Les fleurs du mal ou Madame Bovary, c'est mĂ©priser cette indĂ©pendance et cette libertĂ© formelle de l'art. NĂ©anmoins, son caractĂšre dĂ©sintĂ©ressĂ© en fait une introduction Ă la morale, en nous exerçant Ă nous dĂ©tacher des intĂ©rĂȘts matĂ©riels. 3 Le beau et le sublime Si le beau nous fait goĂ»ter une forme finie et harmonieuse, le sublime nous expose Ă un phĂ©nomĂšne monstrueux qui suscite en nous effroi et admiration la mer dĂ©chaĂźnĂ©e, la haute montagne. Le sublime est, selon Kant, l'expĂ©rience esthĂ©tique qui introduit au sentiment religieux de ce qui nous dĂ©passe. III Expression de quelque chose ou perception brute » ? Pourtant, l'histoire de l'art conduit Ă relativiser cette conception, qui fait de l'art gratuit une forme moderne du sacrĂ©. Pour Hegel, l'art â Ă travers son histoire â exprime l'esprit d'un peuple ; pour Marx, il reprĂ©sente des intĂ©rĂȘts de classe. Pour Freud, il est l'expression de l'inconscient, des dĂ©sirs refoulĂ©s et sublimĂ©s. mot-clĂ© Selon la psychanalyse de Freud, la sublimation est l'expression de pulsions coupables sous des formes socialement valorisĂ©es. C'est ce que fait l'art, mais aussi le sport, la science ou la politique. Cette interprĂ©tation de l'art comme expression est rejetĂ©e par Bergson et Merleau-Ponty, qui rĂ©affirment la gratuitĂ© de l'art l'art doit ĂȘtre perception brute » et pure prĂ©sence au monde, dĂ©gagĂ©e de considĂ©rations utilitaires.
Ăpropos d'art, de plaire, et puis des cultures avec un S.
C'est-Ă -dire ? L'art, contemporain ou moins, vous parlerait mais il faudrait Ă la VO quelques sous-titres. C'est ça ? Venez Ă ces confĂ©rences, dont la prochaine se tient cet aprĂšs-midi Ă la librairie Les Volcans et que donne Jean-Charles Vergne. Pour dire A quoi sert l'art⊠Et venez d'autant plus que le directeur du FRAC en parle parfaitement bien. Avant tout, c'est quoi l'art⊠? C'est ce qui rend la vie plus intĂ©ressante que l'art - dixit Robert Filliou artiste amĂ©ricain 1926-1987. Mais encore ? Si l'on veut expliquer cela trĂšs simplement, prenons l'exemple de l'ĂtĂ© indien de Joe Dassin Avec ta robe longue tu ressemblais Ă une aquarelle de Marie-Laurençin⊠Un homme voit, un jour, des aquarelles de Marie Laurencin dans un musĂ©e. Il les oublie. Des semaines, mois ou annĂ©es plus tard, il croise une femme et le souvenir des aquarelles de Marie-Laurençin se superpose alors Ă la vision de cette femme. Cette derniĂšre lui apparaĂźt d'autant plus belle. L'art c'est donc ce qui rend la vie plus intĂ©ressante que l'art lui-mĂȘme. Et cet art, Ă quoi sert-il ? Ă rien. Des tas de gens n'ont pas de livre, de musique, de tableau et sont parfaitement heureux. On peut donc s'en passer. Cela dit, lorsque l'on fait une rencontre semblable Ă celle de cet homme qui croise cette femme dont la robe ressemble Ă une aquarelle de Marie-Laurençin, on est ensuite en quĂȘte de la deuxiĂšme, et de la troisiĂšme rencontre⊠L'art ne produit aucune valeur ajoutĂ©e - je mets de cĂŽtĂ© l'aspect marchand - ; il y a trĂšs peu de choses qui ne servent Ă rien ; l'art - la culture en gĂ©nĂ©ral c'est probablement le dernier abri de la nuance et c'est sans doute en cela qu'il est indispensable. Est-ce nĂ©cessaire, et si oui en quoi, d'expliquer l'art⊠C'est nĂ©cessaire jusqu'Ă un certain point. Au dĂ©but on a besoin de clefs. C'est comme pour lire. Picasso disait l'art c'est comme le chinois, ça s'apprend ; face Ă une 'uvre on est souvent comme confrontĂ© Ă une langue Ă©trangĂšre en quelque sorte. Depuis l'enfance nous sommes nourris de clefs et codes. L'artiste, lui, passe son temps Ă les transgresser et Ă inventer de nouveaux langages. Encore des codes donc. Oui mais assez simples. 1 Il s'agit de dĂ©sapprendre Ă lire - c'est-Ă -dire ĂȘtre dans une situation virginale devant une 'uvre - et 2 accepter de ne pas comprendre. On ne demande pas Ă une partition de Mozart d'ĂȘtre expliquĂ©e, on accepte de l'Ă©couter. Une 'uvre d'art, si elle est abstraite par exemple, il faut accepter de ne pas avoir de mode d'emploi. Quand on fait une confĂ©rence sur l'art, on donne un mode d'emploi. Et au bout d'un moment, ce mode d'emploi il faut l'oublier. Il faut donc Ă©galement apprendre Ă regarder. Ce n'est pas tant apprendre que dĂ©samorcer des blocages. Il s'agit, en fait, de donner des bases historiques⊠Qu'entendez-vous par blocage ? Les choses entendues comme C'est de la supercherie, ou Je peux en faire autant. Mais si je vous dis, devant un monochrome de Redman, je peux faire la mĂȘme chose, que me rĂ©torquez-vous ? Je vous dis bien sĂ»r. Ăvidemment. Imaginons une expo fictive de sept monochromes rouges. Exactement identiques. Le premier s'appelle la traversĂ©e de la mer rouge par les HĂ©breux, le deuxiĂšme La colĂšre, le troisiĂšme Nappe rouge, etcĂŠ Le septiĂšme Red Square. Des 'uvres identiques mais dont l'intention n'est pas la mĂȘme. Parmi celles-lĂ , il y a en a peut-ĂȘtre une trĂšs intĂ©ressante, deux mĂ©diocres et ainsi de suite⊠C'est donc l'explication que vous donnerez qui la rendra intĂ©ressante, pas forcĂ©ment sa qualitĂ© plastique ou esthĂ©tique. Oui, c'est l'intention. Il faut se sortir de l'idĂ©e que l'art⊠silence. L'art ce n'est pas un bouquet de fleurs ! L'art n'est pas lĂ pour faire plaisir aux yeux. Les yeux mĂšnent au cerveau, le cerveau Ă des idĂ©es. Beaucoup disent moi j'aime ou j'aime pas ; une 'uvre n'a pas Ă©tĂ© faite pour ça. CĂ©zanne a Ă©tĂ© l'artiste le plus "insultĂ©" de toute l'histoire de l'art. Il s'en foutait. La fonction n'est pas de plaire au plus grand nombre Il allait au pied de la montagne, il peignait la montagne⊠Seules deux ou trois personnes venaient le voir Picasso et Braque notamment, qui grĂące Ă lui ont inventĂ© le cubisme et ouvert les portes de l'abstraction. CĂ©zanne se pose des questions et tente d'y rĂ©pondre. Sinon il fait de la variĂ©tĂ© ! Ce n'est pas pĂ©joratif ce que je dis, mais la fonction n'est pas de plaire au plus grand nombre. C'est avant tout une recherche et cette recherche ne peut ĂȘtre menĂ©e que dans le cadre d'un enracinement dans une histoire. Donc si on n'explique pas au minimum ce qu'a Ă©tĂ© cette histoire, on ne peut pas expliquer un monochrome rouge ou blanc ou bleu. Une des facettes de l'art est de proposer, parfois, un langage chiant je pense Ă certains catalogues ? Comment sortir de cela ? Il y a plusieurs Ă©tages. Un catalogue n'a pas pour objectif d'ĂȘtre didactique ou pĂ©dagogique. C'est un outil scientifique qui peut faire avancer le travail de l'artiste par un biais critique. La confĂ©rence, ou la visite guidĂ©e, c'est se mettre Ă la portĂ©e d'un public dont on sait qu'il est hĂ©tĂ©rogĂšne ; je prĂ©cise d'ailleurs que le cycle donnĂ© aux Volcans est Ă l'attention des nĂ©ophytes et je prĂ©cise Ă©galement au public que je vais faire des raccourcis et approximations pour servir le propos. Les difficultĂ©s que les gens peuvent rencontrer face Ă une 'uvre je les ai vĂ©cues donc je fais en sorte de les apprĂ©hender de la maniĂšre la plus simple possible. Julien Dodon ConfĂ©rence. Prochain rendez-vous mercredi 9 fĂ©vrier Ă la librairie Les Volcans 80 boulevard François-Mitterrand Ă 17 heures. Une autre est programmĂ©e en mars. Infos au Exposition. Ă quoi tient la beautĂ© des Ă©treintes⊠Sous cet intitulĂ©, le Frac Auvergne prĂ©sente soixante-cinq Ćuvres de sa collection, dont une moitiĂ© concerne des acquisitions rĂ©centes prĂ©sentĂ©es pour la premiĂšre fois. Ă dĂ©couvrir du mardi au dimanche entrĂ©e libre au Frac, rue du Terrail Ă Clermont. Imaginer une exposition Ă partir dâune collection revient en quelque sorte Ă provoquer des Ă©treintes, des accolades affectives fondĂ©es sur des familiaritĂ©s entre artistes qui sâestiment, sur des Ćuvres concernĂ©es par des rĂ©- flexions communes, fondĂ©es aussi sur des rapprochements formels ou chromatiques inattendus, voire improbables, susceptibles dâengendrer dâautres formes de lecturesâŠ
Lart implique le sujet que nous sommes engagĂ©s dans lâĂȘtre de lâobjet au point oĂč lâobjet se met Ă transformer notre vie subjective comme notre vie subjective lui donne de se dĂ©ployer dans toute ses dimensions. Le sujet se comprend et se ressent en lâobjet dâart et lâobjet dâart implique dans son ĂȘtre la vie du sujet lui ouvrant de nouveaux horizons dâĂȘtre.
CorrigĂ© A quoi sert l'art ? »Texte 1 Bergson1 L'artiste nous permet d'accĂ©der aux choses du monde et de la nature dans ce qu'elles ont de plus singulier, dans leur profondeur. En effet, l'artiste n'est pas obnubilĂ© par l'utilitĂ© de ce qu'il perçoit et de ce qu'il nous fait percevoir il ne cherche qu'Ă nous faire voir le monde tel qu'il est, indĂ©pendamment de son utilitĂ© pratique. LibĂ©rĂ© de ce voile de l'utilitĂ© qui obscurcit dans la perception ordinaire tous les dĂ©tails inutiles Ă notre action, l'artiste nous permet donc de rentrer en communion avec les choses, d'avoir la sensation de leur originalitĂ©. L'artiste nous montre la diffĂ©rence entre deux objets singuliers que le langage nous fait par exemple rĂ©unir sous un seul et mĂȘme Ce voile qui existe entre nous et la nature est le voile de l'utilitĂ©. En effet, notre perception des choses est toujours dĂ©terminĂ©e par une finalitĂ© pratique nous ne percevons de celles-ci que ce qui nous est utile et nous effaçons ce qui nous parait inutile. Par exemple, il m'est inutile de percevoir la diffĂ©rence entre deux chaises, je cherche seulement de quoi m'asseoir. Je vais donc effacer les dĂ©tails qui distinguent les diffĂ©rentes chaises. De ce fait, je ne rentre pas en contact avec la singularitĂ© de chaque chaise mais n'en voit qu'une simplification pratique ».Texte 2 Kant1 L'art libĂ©ral est agrĂ©able en soi et non pas en raison de ses effets. C'est l'activitĂ© mĂȘme de crĂ©er qui est agrĂ©able pour l'artiste, indĂ©pendamment de ce qu'il crĂ©e et cette activitĂ© est libre car non contrainte par l'objet qu'elle a Ă crĂ©er. L'art mercantile Ă l'inverse est en lui-mĂȘme une tĂąche dĂ©sagrĂ©able, ce qui le rend attirant ce n'est pas son activitĂ©, sa crĂ©ation mais seulement son effet l'objet créé et l'Ă©ventuel profit qui en est Kant veut dire par lĂ que le jugement esthĂ©tique est dĂ©sintĂ©ressĂ© on ne cherche pas Ă s'approprier cet objet parce qu'il est beau, ce qui nous procure du plaisir esthĂ©tique est simplement la contemplation dĂ©sintĂ©ressĂ©e de cet objet. La seule reprĂ©sentation de l'objet a ainsi de l'importance et peu importe si l'objet en question existe rĂ©ellement ou non. La contemplation esthĂ©tique est ainsi indiffĂ©rente Ă l'existence de l' 3 Freud1 Les Ćuvres d'art sont, selon Freud, le moyen pour l'artiste de rĂ©aliser des dĂ©sirs inconscients, qu'il a refoulĂ© parce qu'ils Ă©taient inacceptables d'un point de vue moral ou au regard de la sociĂ©tĂ©. La rĂ©alitĂ© extĂ©rieure vient en effet empĂȘcher la rĂ©alisation de certains dĂ©sirs il ne reste donc plus qu'Ă les satisfaire de maniĂšre imaginaire. Cette rĂ©alisation de dĂ©sirs inconscients s'effectue alors de maniĂšre dĂ©guisĂ©e les Ćuvres d'art sont ainsi le moyen pour l'artiste de sublimer ses dĂ©sirs en leur trouvant un ersatz, un substitut plus acceptable. La sublimation consiste Ă transformer et Ă orienter certains dĂ©sirs vers des buts de valeur sociale ou affective plus Le rĂȘve et l'Ćuvre d'art sont ainsi des moyens de satisfaire de maniĂšre imaginaire certains dĂ©sirs que l'on a refoulĂ© pour Ă©viter un conflit intĂ©rieur entre nos dĂ©sirs et nos exigences morales. Mais Ă la diffĂ©rence du rĂȘve qui est par essence narcissique, tournĂ© seulement vers soi, les Ćuvres d'art ne sont pas cachĂ©es au regard d'autrui, elles n'enferment donc pas l'artiste dans son individualitĂ©. L'artiste offre donc au regard d'autrui l'objet de satisfaction dĂ©guisĂ©e de ses dĂ©sirs et peut mĂȘme par lĂ offrir du plaisir Ă ceux qui l'observent. L'artiste, par ses Ćuvres entre ainsi en communication avec les autres hommes et avec leurs dĂ©sirs il crĂ©e par ses Ćuvres un monde commun, un lien entre les p. 204 Hegel1 L'imitation de la nature ne peut ĂȘtre satisfaisante dans la mesure oĂč c'est une imitation d'un modĂšle qui existe dĂ©jĂ . Pour Hegel, la crĂ©ation artistique consiste Ă produire, Ă extĂ©rioriser Ă donner une existence effective Ă qqch de notre esprit, Ă rĂ©aliser qqch de soi. L'art est une production de l'esprit et non une imitation de la nature caricature. Câest la crĂ©ation qui inspire la fiertĂ© alors que la copie, Ă©tant toujours infĂ©rieure Ă son modĂšle, inspire plus de dĂ©goĂ»t que dâ p. 204 Proust2 La crĂ©ation artistique a un sens fort au sens oĂč elle renouvelle sans cesse le monde. Elle change notre vision du monde, elle nous le donne mĂȘme Ă voir, tel un oculiste. Mais en changeant notre façon de voir le monde, lâartiste change ainsi le sens que nous donnons aux choses et donc change le monde lui-mĂȘme une voiture devient un Renoir », autrement dit une Ćuvre dâart donc un autre objet ayant une autre p. 2051 La formule d'Oscar Wilde selon laquelle la nature imite lâart semble paradoxale au sens oĂč elle va contre la doxa, contre lâopinion commune. En effet, lâart est souvent vu comme une reproduction des objets de la nature lâartiste essaierait de reproduire la beautĂ© quâil trouve dans la nature les ailes des papillons par exemple. Wilde inverse ici le rapport entre lâart et la nature. En effet, la nature est aujourdâhui Ă ce point transformĂ©e par la main de lâhomme quâelle semble imiter les Ćuvres dâart. La mise en forme de la nature selon une certaine configuration semble ainsi se faire selon le mĂȘme procĂ©dĂ© que la crĂ©ation artistique. La photographie ici prĂ©sentĂ©e nous donne Ă voir une culture dâalgues, organisĂ©e par lâhomme. Câest donc sans doute lâhomme qui tente de transformer la nature pour la faire imiter lâart, câest-Ă -dire sa propre production. La nature devient un matĂ©riel dire que la nature imite lâart câest aussi suggĂ©rer que la nature devient une pĂąle copie du modĂšle quâest lâart, câest donc inverser la hiĂ©rarchie initiale entre les deux pour rehausser la crĂ©ation artistique au dĂ©triment dâune nature dont la beautĂ© laisse parfois Ă La photographie a-t-elle une fonction purement reprĂ©sentative au sens de prĂ©senter une nouvelle fois une rĂ©alitĂ© qui existe dĂ©jĂ ? Elle peut nous faire voir les choses autrement par une certaine mise en scĂšne par exemple. Elle aurait ainsi une autre fonction celle d'exprimer un sens, d'entamer une rĂ©flexion sur le rĂ©el. De plus, si la photographie est censĂ©e reprĂ©senter la rĂ©alitĂ©, elle est condamnĂ©e Ă la figer alors que la rĂ©alitĂ© est en perpĂ©tuel changement, en mouvement. DĂšs lors, elle ne peut la retranscrire adĂ©quatement. Par exemple, la peinture de chevaux en plein mouvement semble plus vraie qu'une 206-207 RĂ©sumĂ© HEGEL, EsthĂ©tiqueLâart nous Ă©loigne-t-il de la vĂ©ritĂ© des choses en nous berçant dans lâillusion comme lâaffirme Platon ou est-il au contraire un moyen dâaccĂ©der Ă une vĂ©ritĂ© plus profonde de lâĂȘtre des choses, vĂ©ritĂ© intelligible relevant de lâIdĂ©e souvent cachĂ©e derriĂšre lâapparence sensible des objets du monde ? Hegel affirme que lâart donne prĂ©cisĂ©ment lâIdĂ©e Ă contempler en la faisant apparaĂźtre de maniĂšre sensible, pour quâelle ne demeure pas une simple abstraction. Mais Ă la diffĂ©rence des objets du monde, qui sont des objets sensibles, lâart ne nous donne que lâapparence de ce sensible et ne laisse donc pas place au dĂ©sir de le consommer. DĂšs lors, en tant que manifestation de lâesprit, lâart ne peut se rĂ©duire Ă lâimitation de la nature. Au contraire, toute crĂ©ation artistique est le moyen pour lâhomme de se contempler lui-mĂȘme en tant quâesprit en observant son Ćuvre. La finalitĂ© de lâart nâest ni un simple plaisir esthĂ©tique ni une Ă©rudition sur la crĂ©ation lâart a pour tĂąche de nous livrer lâIdĂ©e des choses, leur vĂ©ritĂ© mais toujours par leur aspect sensible câest en cela que lâart diffĂšre de la philosophie, oĂč lâidĂ©e sâest libĂ©rĂ©e de son aspect sensible pour nâĂȘtre que pur concept.pp. 208-209 HEGEL suiteTexte 1 1 La beautĂ© artistique est supĂ©rieure au beau naturel parce quâelle est de nature spirituelle relĂšve de lâesprit ce qui est toujours supĂ©rieur au La beautĂ© artistique nous donne Ă voir lâapparence du sensible et non le sensible lui-mĂȘme ainsi ce nâest plus lâobjet lui-mĂȘme que lâon a en face de soi et quâon aurait tendance Ă vouloir sâapproprier, que lâon dĂ©sire câest seulement son apparence. IndiffĂ©rent Ă lâexistence effective de lâobjet, la contemplation esthĂ©tique sâattache ainsi Ă la simple IdĂ©e de ce quâest lâobjet, Ă sa dimension 2 1 Le besoin dâart provient du fait que lâhomme ne se contente pas dâĂȘtre immĂ©diatement comme les choses naturelles en tant que conscience, il est pour soi et a donc Ă se contempler lui-mĂȘme en tant que conscience. Il est en soi et pour soi et afin de se contempler, de se donner lui-mĂȘme Ă voir, il produit, il crĂ©e et toutes ces crĂ©ations artistiques sont autant de moyens pour lâhomme de sâobserver comme Lâhomme peut prendre conscience de lui-mĂȘme de maniĂšre thĂ©orique, spĂ©culative par la pensĂ©e, la rĂ©flexivitĂ©, l'introspection, il se contemple et perçoit ses Ă©tats d'Ăąme; mais aussi de maniĂšre pratique, en transformant le monde qui lui fait face. Ainsi, en le transformant, il lui donne son empreinte, la marque de ce quâil est, c'est lâextĂ©riorisation concrĂšte de ce quâil 3 1 Les scĂšnes et objets de la vie courante ont cela de particulier quâils nâattirent plus notre regard nous ne voyons plus ces objets qui nâattirent pas notre attention. Nous restons indiffĂ©rents au contenu de ces objets du quotidien. Paradoxalement, lâart, en nous donnant Ă voir la surface de ces objets, ne nous Ă©loigne pas de leur contenu mais au contraire rĂ©oriente notre attention et notre intĂ©rĂȘt vers celui-ci. Avec sa surface, câest bien le contenu de cet objet du quotidien jusquâalors sans intĂ©rĂȘt qui mâintĂ©resse câest ainsi que lâapparence devient miracle dâidĂ©alitĂ© ».2 On oppose gĂ©nĂ©ralement lâessence Ă lâexistence, le sensible Ă lâintelligible, lâEtre Ă lâapparaĂźtre. LâoriginalitĂ© de la pensĂ©e de Hegel consiste Ă montrer que toute IdĂ©e ne peut ĂȘtre que si elle se manifeste, quâelle sâextĂ©riorise et donc que lâapparence est un moment essentiel de la vĂ©ritĂ© qui ne peut rien ĂȘtre si elle nâapparaĂźt pas. De mĂȘme, la surface est essentielle Ă la profondeur et la forme essentielle au 4 La notion dâidĂ©alitĂ© dĂ©signe dâabord ce qui relĂšve de lâIdĂ©e. En tant que tel, elle caractĂ©rise quelque chose de durable. LâidĂ©alitĂ© dĂ©signe ainsi lâessence des choses, ce qui les dĂ©finit et qui en ce sens nâest pas pĂ©rissable. Elle sâoppose Ă lâexistence des choses faite de changements perpĂ©tuels et aux accidents qui affectent les choses mais nâen constituent pas des caractĂ©ristiques 222-223 Hannah Arendt1 Selon Arendt, la finalitĂ© de l'art ne doit pas ĂȘtre de servir Ă quelque chose d'autre que de ravir. Ainsi, elle ne doit pas ĂȘtre de s'Ă©duquer, de parfaire sa connaissance d'une pĂ©riode donnĂ©e ». En effet, dans un tel cas, on utilise l'objet d'art Ă des fins secondes », ce qui ne diffĂšre fondamentalement pas du fait de s'en servir pour boucher un trou dans un mur ».2 Le philistinisme consiste Ă juger de tout en terme d'utilitĂ©. L'attitude du philistin cultivĂ© consiste Ă se servir de l'art pour une autre fin que la pure contemplation esthĂ©tique elle consiste Ă s'en servir pour se cultiver et ainsi permettre une ascension sociale. C'est en cela qu'Arendt juge qu'il y a lĂ une crise de la culture » car cela dĂ©voie la vĂ©ritable finalitĂ© de l'art. Elle considĂšre en effet que l'attitude qui consiste Ă se servir des objets d'art pour se cultiver et ainsi prĂ©tendre Ă une certaine position sociale n'est pas l'attitude appropriĂ©e dans la mesure oĂč elle fait de la culture une valeur, une marchandise sociale, un objet d' La culture de masse risque de faire des Ćuvres d'art des produits de consommation comme les autres et ainsi de les dĂ©truire. En effet, faire d'une Ćuvre d'art un objet de loisir implique qu'on le consomme et qu'on le fasse ainsi entrer dans le cercle de la nĂ©cessitĂ© vitale. Ainsi, ces Ćuvres d'art n'auraient plus cette durabilitĂ© qui fait d'elles des Ćuvres qui habitent notre monde spĂ©cifiquement humain, elles deviendraient des objets pĂ©rissables. En effet, les Ćuvres d'art sont censĂ©es n'avoir aucune fonction dans le processus vital de la sociĂ©tĂ© et c'est pour cette raison qu'elles ont une immortalitĂ© potentielle. Une version divertissante de celles-ci leur ĂŽte leur nature d'Ćuvre d'art qui est prĂ©cisĂ©ment de n'ĂȘtre ni consommĂ©e ni Initialement, les notions d'art et de technique se confondent puis l'art s'en dĂ©tache en visant simplement le beau, le plaisir esthĂ©tique indĂ©pendamment de l'utilitĂ©. Servir Ă signifie ĂȘtre au service de qqch d'autre. DĂšs lors, si l'art sert Ă qqch il devient un moyen, un outil et perd ainsi toute sa noblesse, sa valeur intrinsĂšque. L'art a peut-ĂȘtre pour vocation d'ĂȘtre inutile, de rester extĂ©rieure Ă cette logique utilitaire qui dĂ©termine notre rapport ordinaire au monde. Il serait une fin en soi. Mais si l'art est une fin cela veut-il nĂ©cessairement dire qu'il n'ait pas de fin ? Si l'art doit ĂȘtre inutile, qu'il ne doit pas ĂȘtre un moyen pour qqch, alors pourquoi crĂ©er et pourquoi aller au musĂ©e ? Le paradoxe de l'art semble bien ĂȘtre que ce qui fait sa valeur c'est d'ĂȘtre l'art vise-t-il seulement le beau et en ce sens n'aurait aucune utilitĂ© et serait donc inutile ou faut-il revoir le sens mĂȘme de l'idĂ©e d'utilitĂ© au sens oĂč l'art ne sert pas Ă qqch d'autre que lui-mĂȘme mais n'est pas pour autant inutile, il a bien une Bergson Lâart nous donne Ă voir le monde, les choses du monde pour ce quâelles sont, indĂ©pendamment de leur utilitĂ©, de leur aspect pratique. Ainsi, lâart ne doit pas tant servir Ă quelque chose mais doit au contraire nous faire oublier cette logique utilitariste qui consiste Ă voir dans toute chose un moyen pour mon action. Le dĂ©sintĂ©ressement par rapport au monde que nous apprend lâartiste peut nous permettre de le voir tel quâil est rĂ©ellement, dans toute sa richesse. Le monde que nous rĂ©vĂšle lâartiste est fait dâobjets singuliers, irrĂ©ductibles les uns aux autres et non pas de multiples exemplaires similaires dâun mĂȘme L'art est une fin en soi, une activitĂ© agrĂ©able voulue pour elle-mĂȘme et dĂ©nuĂ©e de tout intĂ©rĂȘt. L'art est une fin en soi et non pas un moyen donc en un sens il n'a pas de fin. Mais n'a-t-il donc aucune fonction ? L'art est-il seulement un divertissement ? voir ArendtFreud Lâart est avant tout le moyen pour lâhomme de sublimer ses dĂ©sirs les plus inavouables. Ainsi, en crĂ©ant des Ćuvres, lâartiste rĂ©alise ses dĂ©sirs en leur trouvant un substitut acceptable et mĂȘme honorable. Mais l'art n'est pas seulement la rĂ©alisation narcissique et Ă©goĂŻste des dĂ©sirs humains, c'est aussi un moyen de communiquer et de crĂ©er du lien entre les dĂ©sirs des hommes par ces L'art permet Ă l'homme de prouver son habiletĂ©. Il doit ĂȘtre crĂ©ation et non imitation car l'homme ne cherche pas Ă reprĂ©senter la nature mais recherche sa propre image. Il cherche Ă ĂȘtre pour soi et pour les autres. Il y a derriĂšre la crĂ©ation d'Ćuvres artistiques un besoin pour l'homme de se contempler lui-mĂȘme dans son Ćuvre mais aussi d'ĂȘtre reconnu par les autres sujets conscients comme tel. En s'extĂ©riorisant en tant qu'esprit, le crĂ©ateur se voit comme conscience de soi et se montre Ă autrui qui le reconnaĂźt comme tel.â Voir l'excellente fiche de lecture de SoĂ©lie sur le L'art permet un renouvellement de notre regard sur le monde, du sens que nous donnons aux choses et donc change ainsi le monde lui-mĂȘme l'art sert avant tout Ă recrĂ©er perpĂ©tuellement le monde que nous habitons. Il nous incite Ă revoir le monde Ă l'infini et ainsi Ă le recrĂ©er L'unique but de l'art est l'apparaĂźtre et son critĂšre est la beautĂ©. Il ne faut donc voir dans l'art ni un moyen de se cultiver en vue d'une Ă©ventuelle ascension sociale, ni un simple loisir ou divertissement. Dans les deux cas, on dĂ©voie la fonction initiale de l'art qui est de ravir celui qui la contemple et qui ne doit pas servir Ă autre chose. Mais rĂ©duire l'art Ă un simple divertissement est Ă©galement prĂ©judiciable dans la mesure oĂč on les consommerait comme tout autre produit de consommation. Les Ćuvres d'art, par leur durabilitĂ© intrinsĂšque doivent ĂȘtre exclues de ce processus de consommation qui les dĂ©truirait elles sont lĂ pour survivre aux gĂ©nĂ©rations et constituer un monde spĂ©cifiquement l'excellente fiche de ManonPour une proposition de plan dĂ©taillĂ© voir
Cest pourquoi Nietzsche à écrit que l'art est " un remÚde à la connaissance" Transition. L'oeuvre d'art est un objet unique qui a une fonction spirituelle . L'art permet de comprendre le monde et de sublimer ce qui nous affecte. L'art nous accorde une par d'immortalité, elle a donc un caractÚre divin et révÚle l'essence des choses
Combien parmi vous se sont retrouvĂ©s un jour dans lâincapacitĂ© de rĂ©pondre Ă ces simples questions ? Nâavez-vous jamais ressenti cette gĂȘne devant vos interlocuteurs, dâĂȘtre hantĂ© par ce fameux syndrome de lâimposteur ? Dans cet article, il vous sera prĂ©sentĂ© un rĂ©sumĂ© dâune nouvelle thĂ©orie de lâart qui vous apportera, je lâespĂšre, des rĂ©ponses satisfaisantes Ă ces questions. Câest la thĂ©orie mĂ©diatique de lâart. Ces pages prĂ©sentent un aperçu de son essai Lâart est un mĂ©dia de masse paru en 2020 aux Ăditions C. P. Nolin, productions graphiques et culturelles. Il est en vente ici, en format numĂ©rique. Une thĂ©orie gĂ©nĂ©rale Cette thĂ©orie concerne lâensemble des pratiques artistiques les arts visuels, oui, mais aussi la danse, le théùtre, la musique, le mime, lâhumour, le cinĂ©ma, la bande dessinĂ©e, etc. ThĂ©orie mĂ©diatique parce que cette dĂ©finition de lâart est basĂ©e sur les thĂ©ories de la communication, lâart Ă©tant vu dâabord comme un mĂ©dia de communication. Parmi les dĂ©finitions recensĂ©es au cours de mes lectures, bon nombre ne concernent que les arts visuels et plusieurs autres, quâune Ă©cole ou un esthĂ©tisme en particulier. Certaines thĂ©ories plus rĂ©centes sâattachent davantage Ă savoir quand » il y a art. Ces derniĂšres sont plutĂŽt utiles aux institutions et aux collectionneurs afin de sâassurer de lâauthenticitĂ© des Ćuvres. Les philosophes et les thĂ©oriciens de lâart se sont Ă©vertuĂ©s durant des siĂšcles Ă circonscrire ce champ de lâactivitĂ© humaine depuis un champ dâĂ©tudes particulier lâesthĂ©tique. InstrumentalisĂ©es par les Ă©lites dans la lutte des classes, les dĂ©finitions quâils ont proposĂ©es rendaient souvent plus obscur le rapport de la sociĂ©tĂ© avec ses artistes. LâhermĂ©tisme de leurs jargons a fini par convaincre la population que lâart Ă©tait lâaffaire des riches. Encore aujourdâhui, lâintellectualisation Ă outrance du discours artistique creuse ce fossĂ©. Tout nâest pas nĂ©cessairement Ă rejeter. Il sâagit plutĂŽt de changer de point de vue. Comme lorsque diffĂ©rentes personnes sont concernĂ©es par la construction dâun pont. Pour lâarchitecte, câest de la crĂ©ation pure. Pour lâingĂ©nieur, câest un dĂ©fi. Pour les ouvriers, câest dâabord un revenu. Pour lâentrepreneur, câest une occasion dâaffaires et pour les financiers, un investissement intĂ©ressant. Pour les personnes expropriĂ©es, câest soit une injustice, soit une opportunitĂ©. Mais pour la sociĂ©tĂ© et les usagers de ce pont, ce sera un lien qui servira Ă rapprocher les gens et les lieux. Lâimportant est donc de dĂ©terminer quel rĂŽle jouent lâart et les artistes dans la sociĂ©tĂ©. Alors, plutĂŽt que de baser notre dĂ©finition sur les Ćuvres, nous allons partir de lâintention des artistes. LâĂ©noncĂ© Lâart est un mĂ©dia de masse On dit des artistes quâils tentent de sâexprimer par leur art. Ne devrait-on pas considĂ©rer lâart comme Ă©tant dâabord et avant tout un mĂ©dia de communication ? Un mĂ©dia qui permet Ă lâartiste de communiquer des idĂ©es, des impressions et des Ă©motions par lâusage de mises en scĂšne esthĂ©tiques et transcendantes, dâĂ©tablir une certaine communion dâesprit avec son public ? Source Vadim Fomenok sur Unsplash. LâhypothĂšse Lâart est un mĂ©dia de communication de masse qui permet Ă lâartiste de communiquer des idĂ©es, des impressions et des Ă©motions par lâusage de mises en scĂšne esthĂ©tiques et transcendantes visant Ă Ă©tablir une certaine communion dâesprit avec son public. Les fonctions de lâart Lâart a de multiples fonctions. Il permet lâexpression des individus. Il permet Ă chacun dâentrer en communion dâesprit avec dâautres individus, dâavoir lâimpression de partager des moments, des sentiments et des Ă©motions avec eux, dâĂȘtre empathique vis-Ă -vis de ce quâils ressentent. Il permet Ă chacun de dĂ©corer son environnement, de le personnifier. Il a Ă©galement pour fonction de fasciner, de crĂ©er des passions. Câest un instrument dâĂ©ducation et de diffusion du savoir, mais, Ă©galement un outil de propagande et dâendoctrinement. On lui reconnaĂźt des capacitĂ©s dâintrospection. Les Grecs de lâAntiquitĂ© avaient dĂ©couvert sa capacitĂ© de catharsis, on lâutilise aujourdâhui en thĂ©rapie. De tout temps, il a servi Ă commĂ©morer les Ă©vĂ©nements, forger les souvenirs, glorifier les individus. Il joue un rĂŽle dans la construction de lâidentitĂ© des individus et des sociĂ©tĂ©s. Il est Ă la fois le rĂ©sultat dâune culture et un Ă©lĂ©ment qui contribue Ă sa construction. Il permet le dĂ©veloppement de lâimagination, de la crĂ©ativitĂ©. Lâart est subversif. Il permet dâinterroger les gens sur leurs valeurs, leurs croyances. Est-il possible de dĂ©duire un rĂŽle qui rĂ©sume toutes ces fonctions ? Le rĂŽle de lâart Donner un coup de pied dans la fourmiliĂšre La majoritĂ© des gens vivent le nez collĂ© sur leur quotidien. Peu dâindividus ont le temps et le recul nĂ©cessaire pour analyser la sociĂ©tĂ©, pour prendre conscience de la source de leurs Ă©motions ou des rapports quâils entretiennent avec les gens. Les artistes en sont gĂ©nĂ©ralement. Le rĂ©el est une idĂ©e subjective. Nos propres sens sont limitĂ©s et imparfaits. Notre savoir, incomplet. Une bonne part de nos connaissances sont le fruit dâexpĂ©riences empiriques, dâun hĂ©ritage culturel. Durant plusieurs millĂ©naires, les religions et les idĂ©ologies ont tentĂ© de pallier notre ignorance par une mythologie et une cosmologie souvent aberrante. Pour compliquer le tout, les caractĂ©ristiques physiques mĂȘmes de lâUnivers sont en soi un obstacle qui nous empĂȘche de lâapprĂ©cier dans sa globalitĂ©. Nos connaissances sont donc souvent le fruit de mauvaises interprĂ©tations du rĂ©el. LâavancĂ©e de la connaissance objective sur cet univers et sur notre propre nature bouscule jour aprĂšs jour les vieilles idĂ©es reçues et rend certains savoirs dĂ©suets. Il nâest pas toujours facile de rĂ©amĂ©nager les vieux schĂ©mas de pensĂ©e pour faire place aux neufs. Il y a souvent de la rĂ©sistance, surtout quand notre conception du monde et nos valeurs sont bousculĂ©es. Lâart peut contribuer Ă provoquer ce changement tel un catalyseur. Il permet tant aux individus quâaux sociĂ©tĂ©s dâĂ©tablir ou dâactualiser leurs rapports avec eux-mĂȘmes, avec leur environnement, avec leurs semblables et aussi avec leur propre humanitĂ©, bref, dâajuster leurs rapports avec cette rĂ©alitĂ© subjective. On pourrait peut-ĂȘtre Ă©mettre lâhypothĂšse que, sans mĂȘme que lâartiste ne sâen rende compte, son art prĂ©pare lâintellect des individus Ă recevoir des idĂ©es nouvelles. Lâartiste ne nomme pas les choses, il les Ă©voque. LâĆuvre dâart ne dit pas Ă chacun quoi penser ce serait de la propagande comme lâont Ă©tĂ© lâart religieux et le rĂ©alisme socialiste, il se limite Ă exposer les gens Ă des expĂ©riences afin que ceux-ci rĂ©agissent chacun selon leur propre nature et leurs propres valeurs. Son Ćuvre agit tel un contaminant. Une fois quâil a Ă©tĂ© exposĂ© Ă une Ćuvre qui dĂ©stabilise son conscient ou son inconscient, lâindividu cherchera Ă retrouver son Ă©quilibre. Il peut ĂȘtre affectĂ© autant par une Ćuvre abstraite que figurative, autant par un geste, une parole, un son ou une ambiance. Il peut rejeter ce qui le dĂ©range, lâintĂ©grer Ă ses acquis ou, enfin, se transformer lui-mĂȘme afin de faire place Ă ce qui entre en conflit avec ses vieilles structures de pensĂ©e. Le but est de conserver sa propre cohĂ©rence. Le rĂŽle de lâart est de permettre tant aux individus quâaux sociĂ©tĂ©s dâĂ©tablir ou dâactualiser leurs rapports avec eux-mĂȘmes, avec leur environnement, leurs semblables et leur propre humanitĂ©, bref, dâajuster leur rapport avec cette rĂ©alitĂ© subjective. Source Toa Heftiba sur Unsplash. Les principales caractĂ©ristiques de lâart Câest une mise en scĂšne. Elle nâest jamais la rĂ©alitĂ©, câest une reprĂ©sentation. Lâart contribue Ă donner forme au rĂ©el. Câest un moyen de communication de masse. En art, le bruit dans la communication est une composante du message. La perception dâune mĂȘme Ćuvre dâart peut diffĂ©rer dâun individu Ă lâautre. LâĆuvre, est un systĂšme de signes dont les codes peuvent ĂȘtre nombreux, entremĂȘlĂ©s et non nĂ©cessairement partagĂ©s, est un jeu qui dĂ©fie notre intelligence. Ces codes ne sont pas nĂ©cessairement conventionnĂ©s et sont souvent créés sur mesure par lâartiste pour les besoins de sa crĂ©ation. 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LART SERT-IL A QUELQUE CHOSE ? Art et imitation . LâĆuvre peut consister en une imitation mĂ©diocre de la rĂ©alitĂ©, sorte de photographie mais sans rĂ©el projet esthĂ©tique. Câest un peu la croute du peintre du dimanche Câest une tentative de reproduction du monde mais toujours infĂ©rieur, comme dirait Hegel, Ă la rĂ©alitĂ©. Il nây a pas dâintention, pas dâesprit. Mais il
Une page de WikiversitĂ©, la communautĂ© pĂ©dagogique libre. L'art et le rĂ©el[modifier modifier le wikicode] La dĂ©finition du beau que nous avons tentĂ© de donner nâest pas suffisante pour comprendre ce qu'est l'art. On peut se rendre compte que l'art a pour but d'exprimer quelque chose, mais quoi et comment ? Platon, dans La RĂ©publique Livre X, Ă©tudie le rapport entre art et rĂ©alitĂ©. Sa thĂšse consistera Ă dire alors que l'art n'exprime rien de vrai, ne signifie rien de profond l'art, en fait, ne produit que des illusions. Afin de le montrer, il va opposer l'imitation artistique et l'efficacitĂ© technique de l'artisanat. Que doit faire un menuisier qui veut fabriquer un lit ? Il doit par la pensĂ©e se rĂ©fĂ©rer Ă ce que Platon nomme lâidĂ©e de lit, c'est-Ă -dire considĂ©rer un schĂ©ma de fabrication. Or, il existe le mĂȘme rapport entre le cercle dessinĂ© et sa dĂ©finition qu'entre le lit fabriquĂ© et lâidĂ©e de lit. Dans les deux cas, il y a matĂ©rialisation imparfaite d'un idĂ©al. Le lit fabriquĂ© par l'artisan ne fait que ressembler au lit idĂ©al unique, lâidĂ©e du lit. Pour Platon, il existe trois degrĂ©s dans la production. Puisque les idĂ©es renvoient Ă l'essence mĂȘme des choses, leur nature, le monde sensible ne peut ĂȘtre que le reflet du monde des idĂ©es. Tous les cercles dessinĂ©s par exemple ne sont que les apparences sensibles d'une mĂȘme rĂ©alitĂ©, Ă savoir le cercle rĂ©el, le cercle qui est vraiment un cercle, lâidĂ©e du cercle. Par consĂ©quent, si les idĂ©es reprĂ©sentent la rĂ©alitĂ© elle-mĂȘme, seul Dieu peut les produire. L'artisan est celui qui matĂ©rialisera certaines de ces idĂ©es. Il ne produira pas le lit "qui est lui-mĂȘme ce qu'est le lit", mais seulement un objet singulier et sensible qui ressemble Ă ce qu'est le lit par nature. Enfin, nous trouvons l'artiste. Il ne se rĂ©fĂšre pas aux idĂ©es pour produire ses objets, Ă ce que sont vĂ©ritablement les choses. Alors que Dieu est l'artisan de l'ĂȘtre, le menuisier est l'artisan de quelque chose qui ressemble Ă l'ĂȘtre, l'artiste se contente de l'apparence. On ne peut pas par exemple dire que l'artiste produit un lit sur sa toile parce que ce lit n'a aucune rĂ©alitĂ©. Dieu et le menuisier sont des artisans, l'artiste n'est qu'un "imitateur". L'art est au troisiĂšme degrĂ©, le plus Ă©loignĂ© de la rĂ©alitĂ©, de l'ĂȘtre. Il imite non pas l'ĂȘtre mais reproduit les apparences des objets sensibles. Dans son texte du Gorgias, Platon distingue les diffĂ©rents arts qui ne produisent qu'une apparence trompeuse et les savoirs quâil considĂšre comme vĂ©ritables la mĂ©decine, la gymnastique... s'opposant Ă la cuisine, la rhĂ©torique... Ce quâil critique dans l'art, câest la tromperie, effectuĂ©e en donnant lâapparence du vrai. De mĂȘme que la rhĂ©torique imite lâapparence de la vĂ©ritĂ© en fabricant de beaux discours, de mĂȘme l'artiste imite lâapparence de la rĂ©alitĂ© en produisant ses Ćuvres. Platon donne une comparaison surprenante l'artiste est comparable Ă quelquâun qui promĂšne un miroir "en tous sens" ce quâil produit n'est qu'un reflet sans consistance, une apparence doublement Ă©loignĂ©e de l'ĂȘtre. C'est pourquoi il fait la critique d'une tendance relativiste d'un art grec qui dĂ©jĂ Ă l'Ă©poque tenait compte davantage du point de vue du spectateur que de la rĂ©alitĂ© elle-mĂȘme. Comme l'illustre le cĂ©lĂšbre exemple du concours de sculpture remportĂ© par Phidias, l'art est un jeu sur les apparences qui nous plonge dans l'illusion. Cependant, peut-on se contenter de dire que l'art n'est qu'une imitation des apparences ? N'est-il quâillusion ? N'est-il pas au contraire une maniĂšre d'approcher le rĂ©el ? L'art comme langage[modifier modifier le wikicode] Platon oublie peut-ĂȘtre que l'art, mĂȘme celui qui reproduit, qui imite au plus prĂšs la rĂ©alitĂ© par exemple, le rĂ©alisme des natures mortes, exprime quelque chose. L'Ćuvre de l'artiste nâest pas une simple copie mais reste une expression artistique d'un cĂŽtĂ©, l'artiste s'exprime Ă travers son Ćuvre, mais le spectateur attend aussi d'une Ćuvre qu'elle "s'exprime" Ă lui. L'illustration est lâexpression "cela me parle". Nous pouvons dire alors que l'art est un langage symbolique. ConsidĂ©rons un artiste et son Ćuvre, par exemple Van Gogh "Au lieu de rendre exactement ce que jâai devant les yeux, je me sers de la couleur le plus arbitrairement pour m'exprimer plus fortement... Je voudrais faire le portrait d'un ami artiste qui rĂȘve de grands rĂȘves, qui travaille comme le rossignol chante... Cet homme sera blond. Je voudrais mettre dans le tableau mon apprĂ©ciation, mon amour que jâai pour lui...DerriĂšre la tĂȘte, au lieu de peindre le mur banal du mesquin appartement, je peins l'infini, je fais un fond simple du bleu le plus riche, le plus intense que je puisse confectionner, et par cette simple combinaison la tĂȘte blonde Ă©clairĂ©e sur ce fond bleu riche, obtient un effet mystĂ©rieux comme l'Ă©toile dans l'azur profond." Ă ThĂ©o, aoĂ»t 1888 On peut donc dire que l'artiste s'exprime Ă travers un langage symbolique de couleurs, de sons, de mouvements... Dans le cafĂ© de nuit, le jeu des couleurs jaune sale, rouge brutal... tend Ă donner l'impression d'un univers souillĂ©, d'une dĂ©chirure morale; le jeu des formes personnages aplatis, rapetissĂ©s, semblables Ă des spectres, espace dĂ©formĂ© fait sentir, revivre l'irrĂ©alitĂ© de cet univers, l'impression d'ivresse et de vertige. "Dans mon tableau le cafĂ© de nuit, jâai cherchĂ© Ă exprimer que le cafĂ© est un endroit oĂč lâon peut se ruiner, devenir fou, commettre des crimes" Ă ThĂ©o, septembre 1888. Au delĂ de la copie et grĂące Ă l'art, l'artiste rĂ©vĂšle un monde, le rend plus dense, l'immortalise ce tableau est lâexpression artistique du monde prolĂ©taire de la fin du XIXe siĂšcle. Van Gogh a lu Zola. Et puisque lâon peut comparer une Ćuvre d'art Ă un texte la matĂ©rialitĂ© et les formes de l'Ćuvre sont comme le vocabulaire et la syntaxe d'un texte. ApprĂ©cier une Ćuvre, veut dire savoir lire, l'interprĂ©ter. Plus prĂ©cisĂ©ment l'art est vĂ©cu comme un langage Ă l'imagination, par le moyen des symboles. L'art peut donc ĂȘtre considĂ©rĂ© comme une grande mĂ©taphore. CicĂ©ron disait qu'un poĂšme est une peinture loquace et la peinture un poĂšme muet. Comme les mĂ©taphores des poĂšmes, l'art en gĂ©nĂ©ral stimule l'imagination et l'entendement. Il n'explique rien et ne parle pas explicitement, mais il suggĂšre des interprĂ©tations, Ă©voque des images il inspire et remplis l'ĂȘtre humain d'idĂ©es neuves, de sentiments nouveaux. On comprend alors pourquoi une Ćuvre trop rĂ©aliste ne procure aucune Ă©motion esthĂ©tique. Quand tout est apparent, clair, explicite, d'un rĂ©alisme extrĂȘme, lĂ oĂč il n'y a quâĂ regarder, quand tout est apparent, quand tout n'est qu'apparence, notre imagination nâest pas stimulĂ©e, tout n'est qu'affaire de sensation. Proust dans Ă la recherche du temps perdu que les habituĂ©s appellent simplement "La Recherche", explique et analyse dans le second tome Ă l'ombre des jeunes filles en fleurs la dĂ©ception quâil Ă©prouve devant la cathĂ©drale de Balbec. Il ne ressentait aucune Ă©motion artistique car il ne voyait devant lui qu'une cathĂ©drale, entre la poste et le bistro. Or, une cathĂ©drale est la reformulation symbolique de l'histoire racontĂ©e dans la Bible. Proust voyait donc un objet qui avait perdu sa fonction de signe, cette bĂątisse ne lui inspirait rien, ne signifiait rien pour lui. De mĂȘme que nous sommes limitĂ©s Ă ne considĂ©rer que la matĂ©rialitĂ© d'un mot lorsqu'on en ignore le sens, de mĂȘme Proust Ă©tait rĂ©duit Ă ne voir qu'une construction en pierre. Le signe Ă©tait lĂ , mais sans la prĂ©sence de la signification, le signe ne laissait transparaĂźtre aucun sens. Cette dĂ©ception de Proust correspond donc Ă un dĂ©senchantement, car l'art est essentiellement un pouvoir d'enchantement, d'envoĂ»tement, un pouvoir poĂ©tique. La magie dans l'art consiste Ă transformer des objets en symboles, de telle sorte que des couleurs, des sons, des formes... pourront Ă©voquer des sentiments, des images, des idĂ©es. Cela donne, en termes psychologiques, l'art est enchanteur car inspirateur d'interprĂ©tations. Ă travers des choses rĂ©elles et matĂ©rielles se trouve l'Ă©chappatoire Ă tout ce qui fait la matĂ©rialitĂ© du rĂ©el, la nĂ©cessitĂ©, la rĂ©pĂ©tition, la banalitĂ©. Aussi pouvons nous rapprocher de l'expĂ©rience esthĂ©tique de celle du rĂȘve. Quels rapports peuvent ĂȘtre Ă©tablis ? Principalement deux PremiĂšrement, ils peuvent ĂȘtre conçus tous les deux comme un langage au moyen de symboles car l'Ćuvre d'art, comme le rĂȘve, s'interprĂšte Freud a Ă©crit abondamment sur le sujet. DeuxiĂšmement, le propre du rĂȘve est dâĂȘtre vĂ©cu comme le rĂ©el la peur dans un cauchemar est rĂ©ellement vĂ©cue dans ce qui est imaginĂ© en rĂȘve. Il en va de mĂȘme pour l'art. Ce qui est imaginĂ© lors de l'observation d'une Ćuvre artistique, c'est-Ă -dire ce qui est interprĂ©tĂ©, est cru comme rĂ©ellement perçu dans l'Ćuvre. La souffrance dans un tableau de Goya, la puissance de la nature dans un autre tableau de Turner, la paix tranquille d'une campagne ou d'une chaude journĂ©e d'Ă©tĂ© dans la symphonie pastorale de Beethoven... Tous ces sentiments, ces perceptions ne sont pas rĂ©elles; elles sont comme dans nos rĂȘves le fruit de notre imagination. Dans les deux cas, ce qui est imaginĂ© est pris pour une perception. Il donc vrai de dire comme Platon que l'art provoque des illusions, mais dans le cas de l'art l'illusion nâest pas synonyme de tromperie. L'illusion de ce qui est vu est paradoxalement ce qui aurait dĂ» ĂȘtre vu. Ces artistes font percevoir dans une illusion toute la profondeur de la rĂ©alitĂ©. Conclusion[modifier modifier le wikicode] Pour finir cette partie, une dĂ©finition nouvelle de l'art peut-ĂȘtre extraite de tout ce que qui a Ă©tĂ© vu prĂ©cĂ©demment. L'art semble ĂȘtre l'activitĂ© humaine qui façonne la matiĂšre de telle sorte qu'elle pourra exprimer un sentiment, une idĂ©e, et mĂȘme, ajoute Bergson, un effort, une force. MĂȘme si cette dĂ©finition est illustrĂ©e avec l'exemple des grands peintres, il faut la vĂ©rifier dans d'autres domaines. Bergson parlait de la grĂące, la beautĂ© des gestes, et de l'art qui avait pour objet ce type de beautĂ©, celui de la danse. En observant un danseur expĂ©rimentĂ© et/ou douĂ©, apparaĂźt l'impression que le geste mĂȘme le plus complexe, mĂȘme le plus inattendu, devient naturel. Ce fait suppose une certaine facilitĂ©, voire une libertĂ© quant Ă l'usage du corps. Comme si le danseur Ă©chappait Ă tout ce qui le caractĂ©rise d'habitude sa matĂ©rialitĂ©, sa raideur, son inertie. Dans le sport, câest aussi la grĂące qui diffĂ©rencie le geste efficace du beau geste cela paraĂźt simple. Dans un spectacle de la grĂące, l'imagination participe Ă la vie d'un corps qui n'est possĂ©dĂ© que pendant les rĂȘves, un corps sans inertie, sans pesanteur, sans Ă©tendue... Le corps du danseur nâest pas un corps de rĂȘve mais un corps rĂȘvĂ©, car lâidĂ©e qu'une volontĂ© a pris le pas sur un corps, qui se fait peu Ă peu oublier, se fait sentir. L'esprit prend corps ou la matiĂšre s'anime. Ă ce moment, la danse devient expression, l'esprit dĂ©voile ce quâil contient Ă travers le corps. L'art est donc bien lâexpression du spirituel. Kant a montrĂ© les contradictions de la beautĂ©, et mĂȘme en tentant de la dĂ©finir autrement, une nature paradoxale de la beautĂ© est toujours prĂ©sente. L'art est l'activitĂ© qui se sert de la matiĂšre pour la dĂ©passer, qui façonne des objets sensibles pour nous dĂ©tacher des simples apparences sensibles. La beautĂ© est donc un sentiment rĂ©sultant du fait que lâon voit au travers de la matĂ©rialitĂ© de lâobjet d'art quelque chose d'ordre spirituel. Un visage humain aux traits parfaits, possĂ©dant un joli teint est sĂ»rement agrĂ©able Ă regarder, mais il n'est que cela s'il n'exprime rien. Le beau visage est celui qui reflĂšte l'Ăąme, transparaĂźtre une profondeur, une intĂ©rioritĂ©, bref, qui est de lâordre du spirituel. Comparable Ă un signe, il sera trouvĂ© beau lorsquâil tendra Ă se faire oublier, Ă faire oublier sa matĂ©rialitĂ©.
Objectif Comprendre ce qu'est l'art. Points clés. L'art est généralement considéré comme une aptitude et une technique, avec une visée esthétique. Une oeuvre d'art est considérée comme inutile, elle est cependant matérielle et possÚde de la valeur. L'art ne consiste pas simplement à imiter la nature : il la sublime. 1. Définitions.
Chroniques dâexpertsCarriĂšre Le 17/04/2019 © GETTY IMAGES Temps de lecture 6 minutes La plupart des diplĂŽmes de l'enseignement supĂ©rieur ne prĂ©parent pas suffisamment bien les Ă©tudiants au marchĂ© du travail. Les employeurs et les dirigeants dâentreprise se plaignent souvent du fossĂ© qui existe entre ce que les Ă©tudiants apprennent Ă lâuniversitĂ© et ce quâils sont censĂ©s savoir pour ĂȘtre prĂȘts Ă commencer Ă travailler. Un constat particuliĂšrement alarmant quand on considĂšre le nombre important et sans cesse croissant de diplĂŽmĂ©s du supĂ©rieur plus de 40% des 25-34 ans dans les pays de lâOCDE et prĂšs de 50% de la mĂȘme classe dâĂąge aux Etats-Unis. Bien que lâobtention dâun diplĂŽme dâĂ©tudes supĂ©rieures soit clairement bĂ©nĂ©fique â des rapports rĂ©cents publiĂ©s par The Economist indiquent que le retour sur investissement associĂ© nâa jamais Ă©tĂ© aussi Ă©levĂ© pour les jeunes â sa valeur ajoutĂ©e diminue Ă mesure que le nombre de titulaires augmente. Ce qui explique pourquoi un tel diplĂŽme permettra dâaccroĂźtre ses revenus de plus de 20% en Afrique subsaharienne oĂč les diplĂŽmĂ©s du supĂ©rieur sont relativement rares, mais de 9% seulement en Scandinavie oĂč 40% des adultes sont diplĂŽmĂ©s du supĂ©rieur.Dans le mĂȘme temps, alors que les Ă©tudes supĂ©rieures se banalisent, les recruteurs et les employeurs en font de plus en plus souvent une condition nĂ©cessaire dâembauche, quâelles soient utiles ou non pour le poste Ă pourvoir. Sans nier que ces diplĂŽmes donnent accĂšs Ă des emplois mieux rĂ©munĂ©rĂ©s, les entreprises se font cependant du tort â de mĂȘme quâaux jeunes â en ne considĂ©rant que des candidats issus de ces formations. Alors que nous vivons une Ă©poque de disruption omniprĂ©sente oĂč le marchĂ© du travail Ă©volue de façon imprĂ©visible, les connaissances historiquement associĂ©es Ă ces diplĂŽmes apparaissent de moins en moins faible corrĂ©lation entre diplĂŽmes et performance au travailPlusieurs arguments factuels remettent en question la valeur intrinsĂšque Ââ par opposition Ă celle perçue â dâun diplĂŽme du supĂ©rieur. Tout dâabord, des mĂ©ta-analyses dâĂ©tudes ont montrĂ© depuis longtemps que la corrĂ©lation entre le niveau dâĂ©ducation et la performance au travail est faible. En rĂ©alitĂ©, les Ă©tudes indiquent que les scores obtenus Ă des tests dâintelligence sont un bien meilleur indicateur du potentiel de rĂ©ussite dans un poste donnĂ©, notamment dans ceux qui font constamment appel Ă la rĂ©flexion et Ă lâapprentissage. Les rĂ©sultats scolaires permettent de savoir si un candidat a beaucoup Ă©tudiĂ© ou pas, alors que la performance Ă un test dâintelligence montre la capacitĂ© dâun individu Ă apprendre, Ă raisonner et Ă penser de façon ailleurs, la surreprĂ©sentation des classes sociales favorisĂ©es dans les Ă©tudes supĂ©rieures contribue Ă rĂ©duire la mobilitĂ© sociale et Ă augmenter les inĂ©galitĂ©s. Beaucoup dâĂ©tablissements du supĂ©rieur choisissent leurs Ă©tudiants en fonction de leur mĂ©rite, mais un tel mode de sĂ©lection va de pair avec des variables qui amoindrissent la diversitĂ© des candidats reçus. Dans beaucoup de sociĂ©tĂ©s, il y a un fort degrĂ© dâendogamie basĂ© sur le niveau de revenu et la classe sociale. Ainsi, aux Ătats-Unis, les individus aisĂ©s sont plus susceptibles dâĂ©pouser des personnes issues du mĂȘme milieu social quâeux et les familles nanties peuvent se permettre de payer des Ă©coles et des cours de soutien privĂ©s, des activitĂ©s parascolaires et dâautres privilĂšges encore qui accroissent la probabilitĂ© que leur progĂ©niture accĂšde Ă une universitĂ© dâĂ©lite. Ce qui, Ă son tour, a des consĂ©quences sur toute la trajectoire future de lâenfant, y compris les carriĂšres auxquelles il pourra prĂ©tendre. Certains bĂ©nĂ©ficient donc clairement dâavantages dont dâautres sont Ă©valuations psychologiques qui prĂ©disent mieux la performance professionnelleQuand les employeurs valorisent les diplĂŽmes, câest souvent parce quâils les considĂšrent comme des indicateurs fiables des capacitĂ©s intellectuelles des candidats. Mais si câest rĂ©ellement leur objectif, pourquoi ne recourent-ils pas plutĂŽt Ă des Ă©valuations psychologiques qui prĂ©disent bien mieux la performance professionnelle future du candidat sans se confondre avec son statut socio-Ă©conomique et dâautres variables dĂ©mographiques ?Cela dit, les Ă©tablissements du supĂ©rieur pourraient accroĂźtre de maniĂšre substantielle la valeur de leurs diplĂŽmes du premier cycle en dĂ©diant davantage dâheures Ă lâenseignement des soft skills. Il y a peu de chances que les recruteurs et les employeurs soient impressionnĂ©s par des candidats incapables de faire montre dâun certain degrĂ© de compĂ©tences interpersonnelles. Câest lĂ oĂč se situe sans doute lâune des plus grosses diffĂ©rences entre ce que recherchent respectivement une universitĂ© et un employeur chez un candidat. Tandis que les employeurs attendent des candidats une intelligence Ă©motionnelle Ă©levĂ©e, de la rĂ©silience, de lâempathie et de lâintĂ©gritĂ©, rares sont les universitĂ©s qui mettent en avant ces attributs comme critĂšres de sĂ©lection ou qui cherchent Ă les dĂ©velopper. Alors que lâintelligence artificielle et les technologies disruptives ont de plus en plus dâimpact sur la sociĂ©tĂ©, les candidats capables dâeffectuer des tĂąches hors de portĂ©e des machines prennent de la valeur, ce qui souligne lâimportance croissante des soft skills qui restent dans une large mesure lâapanage des compĂ©tences techniques moins valorisĂ©es par les employeursDans une Ă©tude rĂ©cente menĂ©e par le ManpowerGroup auprĂšs de 2000 salariĂ©s, plus de 50% des organisations plaçaient la rĂ©solution de problĂšme, la collaboration, le service client et la communication au rang des compĂ©tences les plus recherchĂ©es. De mĂȘme, dans un rapport Ă©galement rĂ©cent, Josh Bersin notait que, de nos jours, les employeurs sont tout aussi susceptibles de sĂ©lectionner des candidats en fonction de leur capacitĂ© dâadaptation et dâadhĂ©sion Ă la culture dâentreprise et de leur potentiel de croissance que pour leurs compĂ©tences techniques par exemple, le langage de programmation Python, lâapproche analytique ou le cloud computing. Les entreprises telles que Google, Amazon et Microsoft ont elles-mĂȘmes soulignĂ© lâimportance de la curiositĂ© et de lâappĂ©tence pour la connaissance et lâapprentissage comme indicateurs clĂ©s du potentiel de carriĂšre. Ceci rĂ©sulte sans doute de lâattention de plus en plus forte portĂ©e Ă la formation des employĂ©s ; un rapport montre ainsi quâen 2017, les entreprises amĂ©ricaines ont dĂ©pensĂ© plus de 90 milliards de dollars sur ce poste. Le retour sur investissement sera dâautant plus Ă©levĂ© que les personnes embauchĂ©es seront curieuses par Ă©tablissements du supĂ©rieur ont cependant la possibilitĂ© de retrouver leur pertinence en aidant les managers Ă combler leurs lacunes quand ils sont promus Ă des postes de direction. En effet, de nos jours, ce sont souvent les meilleurs salariĂ©s qui deviennent managers alors quâils nâont suivi aucune formation Ă ce sujet et quâils nâont pas encore les compĂ©tences nĂ©cessaires pour diriger une Ă©quipe. Cependant, si davantage dâĂ©tablissements Ă©ducatifs investissaient dans lâenseignement de ces compĂ©tences, les entreprises disposeraient dâun pool plus important de candidats aptes Ă diriger des rĂ©sumĂ©, nous pensons que le marchĂ© appelle clairement un changement de paradigme. De plus en plus dâindividus investissent dans les Ă©tudes supĂ©rieures alors que leur but principal est avant tout pragmatique se rendre plus attractif en tant que candidat Ă un emploi et contribuer Ă lâĂ©conomie. MĂȘme si les diplĂŽmes du supĂ©rieur continuent de bĂ©nĂ©ficier Ă leurs dĂ©tenteurs, les entreprises peuvent aider Ă faire Ă©voluer la situation en leur donnant moins de poids comme indicateur de compĂ©tence intellectuelle et dâemployabilitĂ© et en adoptant des critĂšres dâembauche plus diversifiĂ©s. Je suis dĂ©jĂ abonnĂ©, je me connecte Abonnement intĂ©gral 14,50 ⏠/ mois Offre sans ĂȘtes libre de rĂ©silier Ă tout moment 6 Magazines, versions papier et numĂ©rique par an 4 Hors-sĂ©ries, versions papier et numĂ©rique par an AccĂšs illimitĂ© au site Havard Business Review France Tomas Chamorro-Premuzic Chief Talent Scientist chez ManpowerGroup, professeur de psychologie du travail et des organisations Ă lâUniversity College de Londres et Ă lâuniversitĂ© de Columbia et membre associĂ© de lâEntrepreneurial Finance Lab dâHarvard. Il est lâauteur de Why Do So Many Incompetent Men Become Leaders ? And How to Fix It » Harvard [âŠ] Voir toutes les chroniques Becky Frankiewicz PrĂ©sidente de ManPowerGroup North America et experte en marchĂ© du travail. Avant cela, elle a dirigĂ© Quaker Foods North America, lâune des plus grosses filiales de PepsiCo, et a fait partie de la liste des dix individus les plus crĂ©atifs de ce secteur industriel dressĂ©e par Fast Company. Vous pouvez [âŠ] Voir toutes les chroniques Sur le mĂȘme sujet
jevais t aider a ouvrir ton esprit pose toi la question de savoir si tout doit servir a quelque chose. l art a t il besoin de servir a quelque trouve des elements de reponse dans le fait que non .et son apogee etant dans le musee imaginaire de Malraux Marmeladealorangesanguine . 2007-05-30 02:08:28 UTC. A t'émouvoir Boss . 2007-05-30
Accueil> Risque et RĂ©glementations > Le monopole bancaire sert-il (encore) Ă quelque chose ? Point de vue Le monopole bancaire sert-il (encore) Ă quelque chose ? Ă l'heure oĂč le monopole bancaire « Ă la française » se trouve de plus en plus bousculĂ©, la question de sa raison d'ĂȘtre, voire de son utilitĂ©, mĂ©rite d'ĂȘtre posĂ©e. L'auteur âą Hubert de Vauplane âą Avocat associĂ©
SoxiIvi. 9o1ase92q4.pages.dev/1849o1ase92q4.pages.dev/4909o1ase92q4.pages.dev/2219o1ase92q4.pages.dev/3509o1ase92q4.pages.dev/1749o1ase92q4.pages.dev/5519o1ase92q4.pages.dev/3299o1ase92q4.pages.dev/550
l art sert il a quelque chose